Les films de Kaurismäki se suivent et se ressemblent, et c'est peut-être pour le mieux.


Ancrant comme toujours son récit dans une étude faussement naïve du prolétariat finlandais, le réalisateur détourne ici le genre du film de gangster. Si le scénario est vu et revu, c'est la manière absolument singulière avec laquelle il est traité qui donne son grand intérêt à ce petit grand film. Centré sur le personnage de Taisto Kasurinen, mineur qui voit son entreprise fermer du jour au lendemain, devenant petit à petit et involontairement, à la suite d'injustices terribles, prisonnier en fuite, le film est un road movie lunaire, une étude sociale sombre (conséquences du chômage, criminalité, prison, errance sans logement, monde ouvrier ultra industrialisé, ...), un puissant conte rock, d'une limpidité et d'une simplicité totale. Portées par la partition de Tujo Pajala, excellent en rebelle face à un système qui l'accable injustement, en gangster involontaire, à la dégaine cool et nonchalante (un croisement entre Nick Cave et les truands de Reservoir Dogs), les situations s'enchainent (suicide, chômage, demande en mariage, condamnation en prison, braquages, ...) et, comme toujours chez Kaurismäki, sans heurts, avec douceur, et grande simplicité, n'abandonnant jamais ses personnages à la suite aveugle d'un destin, les poussant toujours à la réaction, à l'action (le titre du film est en cela un bon choix).


Kaurismäki c'est donc l'art de désactiver la gravité de toute situation sans jamais vider son propos de puissance et de beauté, de dénoncer sans le faire, de trouver du beau dans le sordide, de parler du présent dans une forme passée (l'esthétique 60s couplée à l'expressionisme du muet), et d'émouvoir avec trois fois rien.

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le 4 nov. 2020

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Charles Dubois

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