Arrebato
6.5
Arrebato

Film de Ivan Zulueta (1979)

“It’s not that I like cinema… it’s cinema that likes me.“

Le côté série B relativement assumé désamorce dans une certaine mesure un des échecs de Arrebato (emballement, emportement, ou extase en français) : ne pas être parvenu à donner corps à son sujet. Chose qui pourrait être extrêmement fâcheuse dans une autre situation, un genre de hors sujet cinématographique en quelque sorte, mais qui peut ici s'excuser, en partie, selon l'humeur. Le niveau de bizarrerie hallucinogène et d'excentricité underground est aussi déroutant qu'intrigant, un peu comme le film de vampires intellos de Ferrara, The Addiction (sans le côté dépendance au mal). Il y a des aspects hypnotisants et envoûtants qui ne se refusent pas.


C'est presque une version espagnole et prématurée de Videodrome, dans son questionnement autour de l'impact d'un médium sur une population, en l'abordant sous l'angle du rapport d'un artiste à son art. En l'occurrence, un cinéaste à son moyen de production (une caméra). On pourrait même prolonger le parallèle avec Cronenberg en constatant que Arrebato analyse le processus créatif un peu comme dans Le Festin nu, avec autant de métaphores artistiques mais sans les Mugwumps et autres machines à écrire animales. Iván Zulueta s'intéresse cependant à d'autres thématiques, et notamment la relation vampirique que la caméra entretient avec son propriétaire (un des personnages avouera d'ailleurs “it’s not that I like cinema… it’s cinema that likes me“) : elle ira même jusqu'à l'absorber complètement et l'extraire du monde réel pour l'imprimer sur la pellicule de son propre film.


Le thème du vampire (à travers le cinéma) est omniprésent et sans cesse corrélé à celui de la drogue, comme deux formes de plaisir intense ayant tendance à nous sortir du monde, pour le meilleur comme pour le pire. Il aurait été vraiment intéressant de limiter la dose de mystère (d'un point de vue très prosaïquement narratif, avec moins d'ellipses, moins de flashbacks, moins de flou savamment entretenu) et plus travailler cette relation d'aliénation mutuelle, de consommation des êtres, d'absorption de l'âme par l'art. L'ambiance reste toutefois agréablement angoissante, à la limite du malaise, et je trouve l'idée au cœur du film passionnante à titre personnel. Les films nous possèdent, dans un certain sens, en nous abreuvant, en nous ensorcelant, et en tentant de satisfaire une soif par nature inextinguible.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Arrebato-de-Ivan-Zulueta-1980


[Ancien AB #189]

Morrinson
6
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le 15 janv. 2017

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