ARRÊTE TON CINEMA ! c’est l’histoire un peu farfelue, même si inspirée de la réalité, d’une comédienne qui se voit offrir la possibilité de réaliser son premier film (son plus grand rêve aussi) par deux productrices aussi horribles que perchées. Résultat des courses : elle va de compromis en compromission totale de son projet, délaissant sa famille, ses convictions et sa fierté pour s’en remettre à ces manipulatrices qui la font marcher sur la tête en lui promettant la lune.


C’est un peu ce qui est arrivé à Sylvie Testud dans la « vraie vie » lorsqu’elle a voulu réaliser son deuxième long métrage, qui, en plus d’avoir été dénaturé en bout de course, s’est vu être annulé 3 semaines avant le début du tournage ! Afin de ne pas rester sur cet « échec », cette dernière a décidé d’en faire un livre plutôt qu’un film, intitulé C’est le métier qui rentre. Diane Kurys ayant adoré l’ouvrage lui a alors proposé de l’adapter au cinéma en insistant sur le ressort comique de l’histoire. Bien mal lui en a pris ! S’il y avait là de quoi susciter l’intérêt, émouvoir et faire rire, on regrette que la réalisatrice n’ait retenu que le dernier registre et d’une façon si excessive qu’elle en balaye le reste. En effet, dans son récit, Sylvie Testud narre avec autodérision et sans complaisance, ce qui lui est plus ou moins arrivé lorsqu’elle a refusé de voir l’évidence pour croire en un projet condamné d’avance mais auquel elle avait envie de croire pardessus tout. Elle fait d’ailleurs elle même le parallèle entre cette relation avec les deux productrices horribles qui entrainent l’héroïne dans leur folie et une histoire d’amour: une de celles où tout le monde vous met en garde mais où vous foncez tête baissée. Puis, plus la sombre réalité donne raison à ceux qui vous avaient prévenu, plus vous insistez en vous mentant à vous-même autant qu’aux autres. Plus vous faites de concessions, plus vous vous dites que vous ne pouvez pas vous arrêter là parce que ça va finir par marcher et que tous ces sacrifices trouveront leur justification. Alors, pour ne pas admettre ses erreurs pourtant courues d’avance et la culpabilité qui en résulte, vous vous enlisez et restez dans le déni jusqu’à ce que vous soyez au pied du mur.


Sylvie Testud a pris le parti de raconter cela avec humour dans son livre, parce qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer et peut être « exorciser » les choses pour les digérer…On espérait donc une adaptation aussi drôle que touchante.


Connaissant l’inclinaison de Diane Kurys à faire des films totalement ou partiellement autobiographiques, dénotant une volonté de transmettre une part d’elle même, on s’attendait aussi à ce qu’elle y imprime sa touche et son expérience personnelle. Dans ce cas précis cependant, on ne peut s’empêcher de penser que le film aurait gagné à rester tel qu’il avait été écrit initialement et que la réalisatrice, pourtant restée très fidèle aux textes et aux dialogues, aurait mieux fait de creuser dans un sens plus profond que comique. Ce qu’elle a changé c’est la scène finale et l’attitude du mari qu’elle a rendu bien trop compatissant, anéantissant tout espoir de crédibilité. Franchement on ne peut pas dire qu’elle ait été bien inspirée non plus d’exagérer le ton, passant de l’ironie au vaudeville. C’est bien dommage car au delà du casting pour le moins sympathique et talentueux – Sylvie Testud, Josiane Balasko et Zabou Breitman (le couple de productrices), François-Xavier Demaison, Fred Testot, etc. où chacun tient parfaitement son rôle, le film était plutôt bien parti, abordant qui plus est des sujets qui pouvaient être intéressants pour le spectateur. Pour commencer, l’idée de visiter « l’envers du décor » du cinéma était plutôt sympa. Le film commence ainsi par une fin de tournage : dernière scène, clap de fin, et sensations de l’actrice pour qui une aventure se termine. Ensuite, on nous invite à suivre le parcours du combattant que représente la production, les nombreuses concessions que l’on doit faire pour rendre le projet viable et pour qu’il puisse rencontrer le public – voire un large, très large public… Les sacrifices parfois nécessaires pour que les choses avancent, notamment délaisser sa famille pour consacrer davantage de temps et d’énergie à l’écriture du scénario, au travail préparatoire, au tournage. On s’amuse du travail de séduction nécessaire auprès des actrices « bankable » pour qu’elles acceptent le rôle, de leurs caprices de star mais aussi des galères dans lesquelles elles peuvent se retrouver. Enfin, il est question de la manipulation de ces producteurs qui ont la « toute puissance » de décider si un film verra le jour et sous quelle forme, en fonction de leurs intérêts. Ainsi, de déceptions en désillusions, de renonciations en abnégation, le réalisateur peut voir son rêve tourner au cauchemar. Il y a tout cela dans ARRETE TON CINEMA ! mais poussé à l’extrême, voire à l’absurde…


Résultat: Si l’on ne peut que saluer l’autodérision dont font preuve toutes ces actrices (qui sont aussi réalisatrices), et la note d’humour que cela impulse au film, point trop n’en faut. Si le duo déjanté Balasko/Breitman nous fait sourire au début, on finit rapidement par trouver cela excessif, voire un peu lourd. Enfin, si Diane Kurys a eu l’intelligence de laisser suffisamment d’indépendance à ses acteurs pour qu’ils s’épanouissent dans leur rôle (en y apportant leur touche personnelle), elle n’a pas su éviter de tomber dans la caricature. C’est tout cela qui rend malheureusement impossible l’empathie et la moindre émotion. Tous les ingrédients étaient bons mais on en regrette finalement le dosage et le résultat.


Critique de Stephanie pour Le Blog du Cinéma

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le 14 janv. 2016

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