L'intention de départ était pourtant bonne, mais il est vrai que prendre la relève de la série vidéo-ludique Assassin's Creed au cinéma, était un gros défi. Malheureusement, avec la meilleure des intentions j'en suis certain, cette adaptation sur grand écran n'arrive pas à la hauteur des espérances.


Je vais être tout à fait franc avec vous. En ce qui concerne Assassin's Creed, je suis ce que l'on pourrait appeler un véritable fanboy. Je n'ai raté aucun épisode de la saga, mieux, je les ai tous joué plusieurs fois alors...autant vous dire que mes attentes autour de ce film étaient grandes, peut-être un peu trop. Je crois que le seul avantage que peut avoir un Aficionado de la licence, comme moi, devant cette production, c'est la capacité de pouvoir repérer les différents clins d'oeil faits à la franchise.


Il est vrai que l'on ne pourra pas reprocher au film de ne pas respecter certains aspects visuels présents dans les jeux vidéo, comme le saut de la foi, les plans larges au dessus de la ville lorsque notre personnage principal "synchronise" *─ parce que oui, Callum Lynch, joué par Michael Fassbender, synchronise et c'est plutôt intelligemment fait ─* le clin d'oeil aux fameuses bottes de foin, ou même la présence de cet aigle qui survole les différents lieux de l'histoire lorsque l'on change de localisation, mais...c'est un peu trop. Cet aigle, justement, est sur-utilisé, les plans en travelling circulaire au-dessus des paysages deviennent presque systématiques, et en perdent leur côté sympathique, parce que, un clin d'oeil est appréciable lorsqu'il est fin, discret, suggéré. Ici, les "clins d'oeil" deviennent évidents, attendus, répétitifs même, et ne surprennent plus. On notera au passage, l'absence totale de "la vision d'aigle" bien connue des habitués du jeu.


Clairement, ça manque de finesse et je vais appuyer cet exemple avec un élément "anecdotique", volontairement caché, que vous êtes libres de découvrir ou pas (attention spoiler) :


Dès le début du film, et donc la première apparition d'Aguilar, personnage principal du passé, une information écrite nous indique que nous nous trouvons en Andalousie, en 1492. Il ne m'a pas fallu 2 secondes pour faire le rapprochement entre la date, donc découverte de l'Amérique, et ce célèbre explorateur qu'était Christophe Colomb. Il était alors évident pour moi que ce personnage historique allait faire partie de l'histoire de ce film. Bingo, il sera chargé d'emporter la Pomme d'Eden avec lui, pour l'emmener loin et la cacher...Et ceci arrive à la fin du film, autant dire que tout ça aurait pu être un peu plus subtil. Un élément qui illustre bien le manque d'habileté scénaristique.


Paradoxalement, là où le film se veut rester ─ un peu trop ─ fidèle à l'esthétique des jeux, il en oubli le principal. En effet, ce qui rend le film un peu décevant c'est que 80% de l'histoire se déroule dans le présent, là où dans les jeux c'est l'inverse. Cet élément laisse un arrière goût d'inachevé, cette sensation que la production du film n'a pas su pleinement saisir l'essence même de l'histoire, son intérêt profond, ce qui fait qu' Assassin's Creed est Assassin's Creed en définitive.


Je suppose que ce choix créatif aurait pu fonctionné s'il avait été servi par un scénario solide et des acteurs convaincus ─ à défaut d'être convaincant ─ mais malheureusement, ce n'est pas le cas. Le scénario est peu fouillé, ça manque de fond, de substance, tout va vite, trop vite, on veut trop en mettre en en mettant pas assez, c'est inachevé.
Tout petit spoil :


Sérieusement, un établissement complet, rempli d'une foule de descendants d'Assassins, dont les capacités à tuer sont bien réelles, et aucun garde avec une arme digne de ce nom ???


En effet, les jeux d'acteurs n'aident pas le film à gagner en profondeur. De grands noms pour pas grand chose. Un Michael Fassbender relativement bon malgré quelques tendances à surjouer, une Marion Cotillard fade au possible tant dans le jeu que dans son auto-doublage VF qui ne laisse transparaître aucune émotion, aucun investissement, un Jeremy Irons inexistant, une Charlotte Rampling inutile, un Denis Ménochet vraiment mauvais et la présence d'un Brendan Gleeson parfaitement anecdotique.


Les gentils ne sont pas réellement attachant, les méchants ne sont pas du tout menaçant, et tout cela est véritablement desservi par de trop nombreuses incohérences scénaristiques, un manque de puissance, un manque d'émotion terrible, et des réactions en décalage total avec certaines situations. Les acteurs ne sont clairement pas habités par les personnages qu'ils incarnent, leurs réactions ne sont pas crédibles ou légitimes face à certaines contextes, c'est très dommage.


Même les scènes de Parkour, éléments cruciaux des jeux vidéo, laissent une sensation étrange. Autant elles peuvent être très réalistes et impressionnantes, autant elle peuvent être peu convaincantes, un peu cheap, ou même rappeler certaines chorégraphies excessives du film Tigre & Dragon...Nous en devinerions presque les câbles qui soutiennent les acteurs/cascadeurs. Certaines séquences manquent même de lisibilité, c'est brouillon, les combats sont parfois incompréhensibles, comme si le réalisateur ne savait pas trop comment filmer la chose et se laissait aller à l'improvisation de plans ─ trop ─ serrés et ─ trop ─ rapides.


Brouillon, c'est la sensation que laisse ce film, une notion qui rappelle même ce brouillard/flou visuel quasi constant qui habille bien trop de scènes ─ vraiment trop rares ─ du passé.


Les seuls points réellement positifs dans tout ça, ce sont, d'une part, une esthétique plutôt soignée, d'autre part, la Bande Originale ─ composée par Jed Kurzel, frère donc du réalisateur Justin Kurzel ─ qui reste assez fidèle aux différents soundtracks des jeux vidéos, et enfin, la vision nouvelle de l'Animus qui donne plus de vie aux "voyages dans le temps" que vit Callum, le protagoniste principal.
Néanmoins, cet Animus nouvelle génération souffre tout de même du fait de nous laisser cette amère sensation que le sujet qui est synchronisé avec son ancêtre, n'est que "téléguidé" par sa mémoire génétique, alors que les jeux, eux, laissaient entrevoir le fait que le sujet plongé dans le passé de son ancêtre, avait tout de même la capacité de se mouvoir à sa guise en essayant de respecter au mieux l'histoire de son aïeul. Ici, les erreurs de parcours ─ si j'ose dire ─ sont donc impossibles, ce qui retire un peu d'intérêt et de suspens. Les évènements passés se passent comme ils doivent se passer, ce n'est pas, ici, le sujet présent qui subit le passé et essai de "lui survivre", c'est dommage.


Je pense que, au final, il est heureux que je sois un adepte de la franchise qui aura tout de même su s'attacher à quelques détails plaisant. Également, le fait que Aguilar, principal Assassin du film, soit originaire d'Andalousie, région dont je tire moi-même mes origines, participe à toucher mon affect, et me retire très probablement quelques points d'objectivité, sans quoi ma critique aurait certainement pu être bien plus négative.


En conclusion, écrire le scénario d'un jeux vidéo, n'est visiblement pas le même exercice que celui d'écrire la trame d'une production cinématographique.

LudoDRodriguez
6
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le 26 déc. 2016

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