Alors que je m’attendais à un truc un peu débile entre teenage movie et slasher vaguement tarantiniesque, je suis très vite tombée de haut en me retrouvant face à un film dont le visionnage a été très difficile. Par pour la forme, très sympathique, présentant son petit quatuor de « pouffiasses » américaines qui se retrouveront au final en proie de toute leur ville de Salem. Ni pour sa construction, plus fine et originale – beaucoup de triple plans simultanés et bien rythmés notamment – que ce que l’on peut voir dans le teenage movie moyen. Non, c’est surtout le fond qui se révèle lourdement dérangeant : on a beau finir par exagérer la thématique de l’impact des réseaux sociaux sur la société en montrant à quel point un piratage de masse d’une ville entière peut rendre les gens totalement fous, la mise en situation se permet toutefois de montrer des cas de figure beaucoup plus terre-à-terre. Voir des politiciens ou autres figures médiatiques importantes se suicider lors de divulgations publiques de scandales ou encore des accusations ignobles et injustes à l’encontre d’un individu en se basant sur des éléments complètement sortis de leur contexte conduisant à la violence et harcèlement, virtuel comme réel, voilà des choses que l’on voit fleurir de plus en plus depuis quelques années dans les médias. Sans qu’on ne puisse nous-mêmes réellement savoir le fond de l’affaire, ce qui n’empêche pas n’importe lequel d’entre nous, aussi ignorant soit-on, d’y aller de sa petite « vérité », jusqu’à aller parfois instiguer et mener des actions, là encore virtuelles comme réelles, parfois fort virulentes. Et que faire lorsqu’on se retrouve face à une horde d’agresseurs virtuels et anonymes qui ne te laissent plus la moindre marge de manœuvre à part peut-être plaquer sa vie actuelle, changer d’identité ou encore se donner la mort ? Voilà un peu tous les enjeux d’Assassination Nation qui se permet même d’aller plus loin en démontrant à quel point un piratage de masse des données personnelles que tout un chacun laisse à droite et à gauche sur le web peut totalement mener à une mutinerie sauvage sans foi ni loi en continuant à s’enfoncer d’autant plus dedans comme toute bonne addiction qui se respecte. A l’heure où l’on voit planer des tensions tenaces de guerre froide entre États-Unis/Union Européenne et Russie, certainement l’un des pays possédant les hackers les plus pointus du monde, autant dire que ce genre d’aspect sera forcément pris en compte si une Troisième Guerre Mondiale éclaterait réellement, cela fait froid dans le dos. Voire sur des choses un peu plus anodines comme les récentes annonces du gouvernement sur le fait de songer à surveiller les réseaux sociaux afin de voir quel individu lambda peut bien frauder ou être de bonne foi (ou autres raisons bien cachées). Parce qu’au fond, même si le film peut paraître un brin excessif sur certaines choses, on sait pertinemment au fond de nous qu’il a raison tant on en voit déjà les dérives aujourd’hui. Par chance, le final en mode slasher se révèle plus léger et badasse, permettant de faire redescendre toute la pression et le malaise sous-jacent que l’on garde au fond de nous sur les trois premiers quarts de film. C’est peut-être d’ailleurs ça qui rend ces vingts dernières minutes aussi jouissives. Même si ça n’empêche pas qu’on en ressort en serrant bien les fesses, à la fois gêné de tout ce message de fond si pertinent et emmerdé qu’un tel film ne bénéficiera sans doute pas d’une sortie et exposition en salles françaises à la hauteur de sa valeur. Mon petit doigt me dit qu’il y a même de fortes chances qu’Assassination Nation subira le même dessein qu’aux États-Unis qui ont eu tôt fait de le retirer de ses salles obscures. En tout cas, merci aux Utopiales et au jury qui lui a accordé sa palme au passage, de lui avoir donner un coup de pouce à son échelle, il le mérite amplement.


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Margoth
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le 21 nov. 2018

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