J’aime beaucoup les films noirs américains de cette époque ( le faucon maltais, le grand sommeil et Gilda particulièrement ). Ainsi, j’attendais beaucoup de cet Assurance sur la mort dont j’avais tant entendu parler et qui était présenté comme un monument du genre par une multitude de critiques. Et bien mes hautes espérances furent parfaitement comblées !
Le film ne présente pas un schéma classique dans sa construction puisqu’il démarre par la fin brisant la linéarité du récit. Qui plus est, le superbe monologue du héros ne laisse aucun doute sur le dénouement de l’histoire puisque le personnage annonce d’emblée qu’il est l’auteur du crime dont le film sera le sujet. On est donc d’abord déconcerté par cette introduction, on se demande comment l’œuvre peut réussir à nous envelopper d’un quelconque suspense ( élément charnière d’un film noir ) avec une telle mise en place du scénario. Comment Billy Wilder va-t-il réussir à nous tenir en haleine sachant que l’identité du coupable est d’ores et déjà révélée ? Et bien, c’est en visionnant la suite du long métrage qu’on a notre réponse, et qu’on s’aperçoit que ce film mérite amplement son statut de pierre angulaire des films policiers de cette époque.
Tout d’abord, on retrouve avec plaisir ( pour moi, peut-être avec exaspération pour d’autres … ) les archétypes parfaits du genre, c’est-à-dire l’anti héros assez cynique aux mots d’esprit ravageurs, la femme fatale manipulatrice etc… mais qui restent tout de même incarnés à merveille par des acteurs dont les rôles collent à la peau. Fred McMurray assure très bien l’homme sûr de lui avec une part d’ombre qui se révèle peu à peu, tandis que Barbara Stanwyck et Edward Robinson sont éblouissants tous les deux. Elle en manipulatrice jouant sur sa prétendue faiblesse qui parvient à dégager un charme fou et cela même si elle se trouve être bien moins gironde que la plupart des autres actrices de l Hollywood des années 40. Et lui en enquêteur fouineur à la fois malin et emporté. A mon grand dam, ces trois acteurs m’étaient totalement inconnus…Ceux-ci sont mêlés à une trame scénaristique, qui bien que fidèle aux codes elle aussi et contenant quelques légers défauts concernant la façon dont le crime est planifié, nous abreuve d’une foule de coups de théâtres tous plus formidables les uns que les autres ! La narration est extrêmement bien menée et le récit se déroule de telle manière que le suspense qu’on croyait enterré est en fait plus présent que jamais. Wilder parvient carrément à nous faire éprouver de l’empathie pour le couple de tueurs et on surprend à vouloir que ceux-ci arrivent à leur fin , tout en assistant à un formidable duel opposant le flair de Keyes au sang-froid de Neff, personnage de plus en plus complexe au fur et à mesure que l’histoire avance, devenant un meurtrier intelligent pour ensuite se repentir et prendre conscience du terrible jeu auquel il a pris part dans sa quête de sexe et d’argent. Cette descente aux enfers du héros nous conduit un à un final dantesque achevant le combat des deux hommes ( qui n’a jamais eu lieu au grand jour ) dans une scène profondément touchante et perçant dans ce film où s’amoncèle froideur perfidie et noirceur, comme la seule touche d’humanité. Sublime.
Par ailleurs, bien que la réalisation et les cadrages ne brillent pas d’audace, on les oublie vite effacés par le jeu d ombres et lumières extraordinaire qui nous est offert, le clair obscur à son apogée, des scènes de nuit aux intérieurs lugubres aux rues sombres on a droit à tout, un vrai plaisir visuelle. Le film est également appuyé par la partition de m. rozsa qui intervient toujours au bon moment, celui ci est discrète la plupart du temps mais reste terriblement efficace à chaque fois du fait de sa beauté ( classique ) mais également de son utilisation parcimonieuse ! J’ajouterai également la présence de nombreux détails qui font de ce film un évident classique de film noir avec des gestes typés omniprésent : allumettes craquées avec le doigt (on note d’ailleurs que tout au long du film, Neff le fait pour Keyes, ce n’est qu’à la toute fin que les rôles s’inversent ), des regards caractéristiques, et des touches d’humour amusantes.
J ai donc passé un excellent moment de cinéma devant ce long métrage qui mérite amplement un 8/10.

Woe
8
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le 18 sept. 2013

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Woe

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