Je suis totalement perplexe. C’est donc ça la perle loufoque japonaise encensée de tous côtés ? L’ode à l’amour déjantée ? Ah... Ce que j’ai eu devant les yeux ne fut pourtant qu’une vaste et infâme daube. Loin de moi l’idée d’imposer mon point de vue, mais cette moyenne faramineuse, le fait qu’un produit assez singulier puisse faire la quasi-unanimité me laisse incrédule.


Je partais malgré tout avec de bons sentiments, je voulais passer 4h de pure folie, de rires, me laisser submerger par une fresque absurde et drôle… Pour changer. Mais très vite, la désillusion se fit sentir.
J’ai toujours étonné de voir qu’au pays du Soleil-Levant, la grande beauté et poésie de cinéastes comme Yazujiro Ozu et plus récemment Hirokazu Kore-Eda constituant une facette merveilleuse du Japon, côtoyait un culte du délirant, du « WTF », du saugrenu qui transparaît dans les vidéos qui foisonnent sur Youtube (mais qui existe depuis très longtemps) repoussant les limites de l’extravagant et pouvant être très amusantes comme complètement ridicules. C’est cet aspect-là qu’on retrouve dans Love Exposure, et c’est ce que j’étais venu chercher, en espérant tout de même que ça irait au-delà de la simple hystérie farfelue, proposant des choses vraiment cocasses. Et bien ni l’un ni l’autre. Ça fait bizarre de dire ça mais j’ai trouvé ce film très moyennement déjanté, pauvre, pas original, manquant cruellement d’une quelconque créativité. Franchement ça fourmille de détails absolument sans intérêt, et ça ne ressemble qu’à un pâle réchauffé de leurs déviances. Je pense notamment au gars aux étiquettes, je ne sais pas, ce n’est pas exploité, ça n’a pas une once d’aspect comique, c’est juste insolite, et encore… Et encore si le long-métrage accumulait des tas de détails incongrus, il pourrait y avoir un semblant de cohésion improbable (ça arrive), mais Sono se contente de broder indéfiniment sur la perversité, balançant culottes sur culottes, sexes en érection, et 2-3 giclées de sang. C’est monstrueusement convenu, je n’ai jamais ouvert des yeux ronds devant un passage particulièrement fantaisiste, j’avais juste devant moi un pseudo-délire, répétitif… Interminable. Du coup, j’ai dû esquisser un sourire sur l’ensemble des 4 heures, ce qui m’a énormément déçu.


Mais passons ce point, Love Exposure conserve une certaine ampleur (en même temps avec 4h on était en droit de s’y attendre), le problème c’est que le film part dans tous les sens, en témoignent les chapitres balancés un peu n'importe comment, les analepses aléatoires (raconter le passé des personnages pour nous dire que les hommes sont méchants, super…), tout est envoyé à la gueule du spectateur sans aucun souci de cohérence. Je conçois qu’on puisse apprécier l'aspect tentaculaire de la chose. De mon côté, c’était assez agaçant, surtout que quand on passe d’un passage sensé être humoristique, à un passage dramatique, et ainsi de suite pendant 4h, on est sûr de jamais rentrer totalement dans l’histoire. C’est exactement ce qu’il m’est arrivé, après je veux bien reconnaître que je sois passé à côté sur le mélange des genres qui, apparemment, est très réussi. Enfin je ne vois pas du tout en quoi rester 1h à filmer des culottes puis d’un coup passer à quelque chose de sombre sur une secte et ses conséquences, peut permettre au spectateur d’accrocher à la trame…. Je pensais que le film commençait doucement avant de nous envoyer du grand spectacle burlesque, et non, on part dans une romance convenue, stupide, avec des personnages pas attachants complètement typés. Des flashbacks tentent de donner des backgrounds aux protagonistes, en vain, ils sont juste pathétiques. Le héros est un pauvre abruti, avec une face d'huître, ce qui n'aide pas. Aya plisse les yeux avec un regard démoniaque en permanence. Heureusement que Yoko joue bien et est le seul être à peu près intéressant du film. A force de vouloir brasser des tas de thèmes le père Sono nous sort un imbroglio imbuvable de réflexions sur la religion, la famille, l’amour, toujours extrêmement caricaturales (rien qu’en exemple l’ « église zéro » quoi…) et saupoudrées de dialogues gonflants. Je ne parlerai pas de longueurs puisque pour moi rien (ou presque) dans le film n’a le moindre souffle, que ce soit dans les moments « drôles » et dans les moments « émouvants ». Bref, je n’ai pas du tout mais alors pas du tout adhéré au récit, la faute à un manque de rythme affligeant.


Il faut dire que la réalisation n’y aidait pas. Tantôt agrémenté de ralentis atroces, de tremblements de caméra ahurissants d’amateurisme, ça en devient même dur à regarder. Les couleurs se veulent funs, l’image est cramée une fois sur deux, le montage est infect, les plans s’entrecoupant en permanence pour donner un semblant de vivacité. Et plus de cela, je crois pouvoir affirmer avec certitude que Sion Sono déteste Beethoven. Oui, il a en réalité décidé de faire un remake du traitement Ludovico d’Orange Mécanique, remplaçant la 9ème par la 7ème nous la ressortant à toutes les sauces sur des images moches (un tas de détails laids dans le cadre gangrenant la possible beauté de certaines scènes) pour nous dégoûter du grand compositeur ! Ne vous rendez-vous compte des intentions horribles de l’odieux personnage ??


Plus sérieusement, j’ai vraiment passé un moment difficile, et j’ai lutté avec les 4 heures, je suis quand même allé jusqu’au bout pensant qu’à un moment ou à un autre le très long-métrage finirait par décoller, mais je n’ai jamais vu ce moment hélas. Bon grosse grosse déception quoi, la note parle d’elle-même finalement. Je mets 2 pour le monologue de Yoko et le passage où Yu absout les pécheurs pervers, ça demeure super léger vu la longueur du film. Immense fumisterie maquillée en chef-d'oeuvre à mes yeux.

Woe
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le 16 mars 2014

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Woe

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