At Land
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At Land

Court-métrage de Maya Deren (1944)

At land est un film expérimental comme on dit, très agréable à voir quoique par moment ennuyeux et, il est vrai, quelque peu déstabilisant. Je ne savais rien de ce film avant de le voir, si ce n’est qu’il fait partie de ces films qui ont fait partie du sondage Sens Critique des meilleurs courts métrages. Il est important, je crois, de ne rien savoir sur ce film avant de le voir, pour que l’expérience soit la plus profitable possible. Alors si vous souhaitez le regarder, cessez cette lecture et revenez après avoir vu le film (qu’on trouve aisément sur la toile). Ce qui serait vraiment très chouette, c’est que vous reveniez après pour me dire si vous avez vécu la même chose que moi. Car je m’interroge, et il me manque encore quelques clefs d’explication.




C’est en tout cas à la naissance et à la construction d’une femme que nous convie ici Maya Deren. Et notamment à l’éveil des sens. Je ne sais si vous avez ressenti la même chose que moi, mais le film m’a fait réfléchir sur ce que sont les sens. Il n’y a ni musique ni son, on est sourds et pourtant on entend des choses, les vagues, les mouettes, l’eau qui ruisselle ! A moins que je ne sois un peu dérangé, ce que je n’exclus pas totalement.


Il n’est pas inutile, je crois, de se rendre compte à quel point le cerveau transforme les informations qu’il reçoit, à quel point il procède à une construction à partir de ce que nous pouvons percevoir avec nos cinq sens. Perçoit-on autre chose que ce que l’on décide de percevoir ? Attention aussi aux illusions, ce que l’on croit voir n’est pas nécessairement la réalité (phénomènes de persistance rétinienne), ou n’est qu’une vision possible de la réalité (ex : cube de Necker). Je ne suis pas du tout sûr que c’était la le projet de la cinéaste, mais voilà quelques réflexions que m’a amené ce film.


At land est surtout une interrogation sur la construction de soi, à l’enfance, ou plus tard : il est des moments ou l’on a du mal à bien saisir où on est, qui on est, qui sont les autres, où est le chemin, la route à suivre. Nombreux sont les moments de doute, où l’on recherche une voie, la sienne. Ainsi, le film simule un peu un état de schizophrénie où le personnage principal perd pied, il décrit une forme d’égarement, les sentiments de solitude et d’incompréhension face aux espaces, face à l’altérité, face aux perceptions, qui ne sont justement que des perceptions, et en aucun cas la réalité.


Pour le reste, sur le plan cinématographique, je crois qu’on peut parler de maîtrise technique et même de modernité pour 1944, avec des procédés astucieux pour montrer la perte de repère voire la folie. La beauté formelle de certaines images, de certains plans, comme ceux à travers les dunes où celui qui clôt le film, compense largement certains passages longs, ennuyeux ou peu compréhensibles.

socrate
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le 11 avr. 2015

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socrate

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