J’étais curieux de voir la rencontre de John Huston et de Malcolm Lowry, sachant que l’un retrouverait chez l’autre un univers familier, dans des terres mexicaines où viennent s’abîmer des hommes au bout de leur existence.
Mais je m’attendais aussi, et forcément, à une adaptation compliquée, celle d’un des romans du siècle, qui a pris les mots à plein bras pour en faire un univers. L’un des plus grands maîtres du médium pourrait-il parvenir à adapter toute cette richesse au cinéma ?
Évidemment, non, mais il n'essaye pas non plus. Huston choisit de se concentrer sur les actions et les dialogues (et même ceux-là sont réduits), à l’intrigue limitée d’un roman qui se tient essentiellement entre 3 personnages et sur 12h, aussi illimité soit-il dans son réseau de références et dans l’expression de l’intériorité des personnages.
Donc ici, pas d’envolée lyrique, pas de montage expressionniste, pas de morceaux de bravoure, une simple déambulation à trois vers les tréfonds du Mexique.
Et surtout, une comédie du désespoir. C’est d’abord ce qui m’a surpris, le fait que John Huston et Albert Finney semblent s’intéresser au Consul en tant qu’être aussi grotesque que tragique. C’était évidemment présent dans le roman, mais dépossédé de toute la folie et le désespoir qui germent des mots, on a avant tout sous les yeux un homme dont le corps est en feu mais qui continue quand même sa route, maintenant que sa femme lui est revenue.
C’est donc une figure tristement drôle, car pathétique et tapageuse, qu’on regarde progresser avec un petit sourire mais aussi avec une crainte. Celle qu’il ne parvienne plus à avancer et encore moins à reconstruire. C’est une adaptation intéressante du texte, opérée afin de garder la sympathie qu’il suscitait pour le personnage du Consul. Faute de pouvoir garder son dialogue intérieur, on a ici une performance faite de cris et de tics, comme pour signaler ce qui bouillonne en lui.
Mais si le cadre du film, qui représente tout ce qui peut véritablement être retenu du roman, se révèle intéressant à découvrir, avec les bouteilles qui n’en finissent pas, la morbidité omniprésente du Jour des morts, les cantinas mal famées, la chaleur étouffante, bref, tout ce qui doit plaire à Huston, on a quand même un peu affaire à une série de dialogues décousus entre des acteurs qui ne sont pas tous sur un bien d’égalité.
Car entre la performance truculente d’un Albert Finney qui joue au théâtre et celle, raide, d’un Anthony Andrews qui joue dans un soap-opera, il y a un fossé que même Jacqueline Bisset ne remplit pas.
On avance donc vers la progression logique du film au pire amusé, au mieux fasciné par des échanges qui semblent sortis d’un autre monde, et dont nous n’avons ici qu’un bref aperçu.
Mais le film manque, je trouve, d’une certaine force d’impact qu’il aurait pu trouver s’il s’était montré plus audacieux dans sa forme ou sa structure. Quelques plans des dernières scènes, quand enfin on se trouve dans l’enfer vers lequel le Consul a passé sa vie a avancer, parviennent à trouver cette force d’expression, mais ce qui vient avant est trop souvent aplati par une photo sage et qui en plus vieillit mal. Dommage.