Dupontel a du génie.


Oh certes, ce n'est pas là une grande découverte ! Mais il arrive que des réalisateurs ayant du génie ne rencontrent jamais aussi bien leur sujet que celui-là.


Le merveilleux télescopage. Le film qui fait que...
Le moment où l'opinion bascule de la curiosité au ravissement.
Au revoir là-haut est donc ce film.


Le film dont on parlera comme du joyau de la couronne biscornue et bizarroïde d'Albert Dupontel.
L'adéquation entre une vision, un budget et un public. L'impression que les étoiles se sont alignées à chaque seconde de ce projet fou : adapter à l'écran le roman de Pierre Lemaitre (Prix Goncourt 2013).


C'est pourtant le pari relevé haut la main par l'électron libre Dupontel, longtemps perçu comme mouton noir du cinéma français, refusant de se rendre aux remises de prix, attiré par la marginalité propre aux authentiques créateurs (Gaspar Noé, Jeunet, Delépine et Kervern) et mettant en scène des films de genre sans compromis, souvent boudés par la critique / le public (jusqu'à Neuf Mois Ferme environ).
En résulte, chez lui, un éclectisme et un appétit délicieux pour toutes les formes de radicalité, de prises de risque, d'audaces esthétiques qui inondent Au revoir là-haut, sans jamais le rendre expérimental ou incohérent pour autant.


Le film, est, en effet, un pur plaisir de spectateur, tant dans ses scènes violentes (l'époustouflante séquence de guerre qui ouvre le film, rappelant parfois l'excellent Tu ne tueras point de Mel Gibson) que dans ses moments doux qui fondent dans la gorge, comme autant de bonbons d'autrefois.
Il exalte d'Au revoir là-haut une totale délectation à filmer ses acteurs, les faire jouer, les mettre en scène. Un plaisir communicatif à nous narrer cette histoire avec une fantaisie de tous les instants.


Il est rare de voir un film d'époque aussi précis et méticuleux dans sa reconstitution, qu'inventif et pétillant dans ses situations, la peur de froisser "l'Histoire" forçant la plupart des réalisateurs à un classicisme convenu.


Ici, tout en fourmillant de références (à Jeunet, Bunuel ou Terry Gilliam, entre autres), Au revoir là-haut pose un regard neuf sur la période de la Première Guerre Mondiale et de l'entre deux guerres.
Il s'agit d'un regard amusé, désabusé, surréaliste par moments, tant se succèdent les scènes de masques, les trouvailles graphiques et sonores. Le burlesque et l'absurde d'un monde qui s'effondre peu à peu.
Un monde pas si loin du nôtre...


Impossible de ne pas parler de la prestation ahurissante de Nahuel Perez Biscayart, dans le rôle d'Edouard Pericourt, clown triste, défiguré à la guerre qui va prendre une revanche toute poétique sur celle-ci, via une spectaculaire arnaque.
Le jeune comédien d'origine argentine délivre une performance d'acteur subtile, incarnant un personnage au travers de masques d'humeurs, de grognements et surtout d'un corps constituant le dernier vestige de son langage.
Sa relation avec la jeune Louise et le soldat Maillard (interprété par Dupontel lui-même, poignant) surprend et touche à chaque instant.


Plus largement, Au revoir là-haut prouve que la France est capable de produire de grandes œuvres à partir de son Histoire tourmentée, souvent peu glorieuse; du moment qu'elle laisse libre cours à l'imagination de ses artistes et laisse une place de choix à l'expression de leur vision singulière...


Au revoir là-haut est donc un film précieux qui fait tomber les masques, nomme, pointe du doigt et ose questionner les notions de patriotisme, de devoir de mémoire, de relation à notre propre identité et à notre Histoire.


Un film qui fait enfin subir aux marchands de mort, le procès qu'ils méritent...

Zelldevine
9
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le 30 oct. 2017

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