George Lazenby et Emma Peel contre Kojak
Tâche ardue pour un jeunot tout droit sorti du bush australien, que de reprendre le flambeau derrière l'iconique écossais. C'est sans doute ce qui fait que ce film est mal-aimé. Et pourtant, les qualités de cette mission sont indéniables, tant elle est maîtrisée et différentes du reste de la saga.
Aux commandes de On Her Majesty's Secret Service (OHMSS), retrouvez Peter Hunt, l'un des monteurs de la franchise qui insuffla son style bien propre aux grosses productions de l'époque. Derrière lui, George Lazenby, un acteur plus légendaire que talentueux, qui obtint son grade de commandeur Bond le temps d'un seul et unique Film. Le duo pourrait paraître bien fadasse, si nous ne comptions pas trois des meilleurs seconds rôles qu'il eut été de voir dans une production 007. En commençant par Diana Rigg, splendide sex-symbol de la télévision anglaise de ces swingin' sixties, puisqu'elle était Emma Peel dans la série The Avengers (le chapeau rond et les cuissarde, et non pas, l'homme de fer et l'aryen au marteau); Incarnant un personnage des plus forts de la saga, force est d'avouer que la pépée dépote tant par sa complexité psychologique que par son courage mis en jeu durant l'aventure. Face à eux, nommons Telly Salavas, qui vient faire les Blofeld entre deux films de guerre; plus connu pour son futur Kojak, l'homme n'en est pas moins talentueux et charismatique, incarnant avec brio le super-ennemi du super-espion. Et bien sûr, seconds couteaux oblige, allons chercher ce cher et non-moins méconnu Gabriele Ferzetti, venant jouer les papas mafieux de la jolie poupée, proposant un marché marital en échange de précieux tuyaux concernant le complot des salauds! On peut donc critiquer le travail de George Lazenby, qui s'en sort toutefois bien convenablement, mais il faut avouer que le pauvre bougre a matière à se faire éclipser tant il bien accompagné.
L'aventure nous emmenera en suisse, pour des parties de ski, les jambes en l'air dans un repaire bien difficile d'accès, où l'immonde Blofeld met au point un plan bien tordu pour à nouveau tenter de dominer le monde. Armes Bactériologiques répandues aux quatre coins du monde par des créatures de rêves hypnotisées, en voilà, un plan qu'il est bien huilé, mais c'était sans compter sur l'espion de sa majesté. Le propos parait parodique, et pourtant, l'enjeu reste crédible une fois placé dans son contexte. Au fond, ce n'est pas plus cons, ni plus gros que le vol de navette spatiales qui animait l'opus précédant. Toutefois, les scénaristes semblent bien embêtés à justifier le changement d'acteur, et animent l'intrigue d'un simili-trou scénaristique. Bond se présentant de plein gré chez Blofeld, avec pour seul déguisement une pipe et des mirettes, changeant de voix pour l'occasion (Lazenby doublé par un autre acteur le temps de quelques séquences). C'est bien étrange, mais une fois pris dans le récit, on en fait fi, et nous laissons porté par l'action. D'autant plus que Blofeld a lui aussi changé, perdant balafre et regard bleuté.
OHMSS gagne ses galons d'opus les plus réussit en nous offrant des personnages fouillés, oubliant les potiches décérébrées pour nous proposer une amante aimante et non moins menaçante. La relation mise en place par le récit entre Bond et sa Girl, permet une romance crédible, tant l'espion ne fait pas le fier face à elle. Il finiront par se marier, malgré quelques infidélités montagnardes. Le film propose aussi des séquences d'action originales, notamment cette splendide et interminable poursuite, durant laquelle Bond, s'enfuyant du repaire de Blofeld nous montrera ses prouesse à ski. Peter Hunt, quant à lui, ne se contente pas d'une simple mise en image, il va dans le véritable défi technique, et relève habilement le challenge d'un tournage réputé apocalyptique (Regardez le making-of, si vous en avez l'occasion, c'est très intéressant). Splendide mise en image bien de son temps, la réalisation est épaulée par une bande originale des plus atypiques, John Barry utilisant le synthétiseur Moog pour offrir son ultime chef-d'oeuvre à la franchise, aidé de la dernière chanson de Louis Armstrong conférant au film ce qu'il lui fallait d'eau de rose. On terminera cette aventure sur une image finale des plus poignantes, On Her Majesty's Secret Service obtenant ainsi son statut de film d'espionnage à forte tendance à l'actionner 60's bien plus original qu'un autre.
Oeuvre marginale, un opus à voir dont la tournure reste des plus incroyables, tant le film s'éloigne des codes de la franchise si bien ancré dans l'inconscient collectif.