Avalonia, l'étrange voyage
5.6
Avalonia, l'étrange voyage

Long-métrage d'animation de Don Hall et Qui Nguyen (2022)

Il est intéressant de voir comment un studio a pu évoluer au fil du temps, et comment il en est arrivé à produire des films qui sont de plus détachés de ses productions d'origines. Disney a longtemps entretenu une lecture du récit pour enfant axé sur le besoin de rester chez soi, de craindre l'extérieur, ou de définir l'inconnu comme une source de danger. Que ce soit Blanche Neige avec la nécessité de ne pas ouvrir aux inconnus, Le Roi Lion et le devoir de Simba envers son peuple, ou encore récemment (dans une certaine marge) avec Encanto et ce récit centré sur une famille cloîtrée dans son village et leur maison magique, le besoin de rester chez soi a été une notion importante dans les films Disney. Cependant, les temps changeants et nécessités faisant souvent la loi, Disney a parfois eu besoin de remettre en question ses codes et sa manière de réaliser des films. Ce fut notamment le cas lors du des années 2000, où Disney devait combler le trou financier créé par la communication des films post Roi Lion qui dépassait parfois le budget des films eux-mêmes. Les lignes ont alors bougé, notamment cette notion d'extérieur comme source d'inquiétude, à travers Atlantide L'empire Perdu, succès gentil, mais pas assez marquant par rapport aux films du second âge d'or Disney. Rencontrant une nouvelle vague de trouble avec le passage sur le marché du streaming, il n'était pas si étonnant que ça de voir émerger un projet comme Strange World (ou Avalonia en français) car un film d'aventures vient questionner cette nécessité de rester chez soi à tout prix et invite, par définition, à voir d'autres paysages. Est-ce que le film est une réussite ?


Le problème du film est qu'il ne veut jamais se limiter à un seul sujet, ni même se limiter à une position. Tout le long du visionnage, je n'ai eu de cesse de me demander ce dont parlait le film, et ce dont il voulait parler. On commence avec un film d'aventures en reprenant des codes du film d'aventures à la Richard Fleischer, mais on ne va pas mettre en avant de décors outre mesure, se limitant souvent à filmer l'intérieur du vaisseau pour en filmer ses occupants. Alors, on peut se dire que c'est un film sur la famille dysfonctionnel, autre thème récurent chez Disney depuis la mort de Walt Disney, et les différents problèmes en internes liés à sa succession. Mais là encore, si on nous présente des personnages, avec des divergences et des comportements discutables, on ne va pas tant les remettre en question. On nous introduit un grand-père au comportement toxique et viriliste à outrance, mais parce qu'il faut rassurer tout le monde et qu'il faut de la nuance faussement pertinente, il faut que ce personnage soit accepté malgré ses défauts, désamorçant toute possibilité d'antagonisme. Bien qu'il y ait une vaine tentative d'antagonisme, en milieu de film, elle ressemble plus à une manière de gagner du temps plutôt qu'une volonté de construire quelque chose de concret. On obtient alors un film sans fond, sans audace, qui devient l'exemple même de l'expression "il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne font jamais d'erreurs", et qui adopte un rythme ultra rapide afin de tout traiter, en n'accordant pas assez de temps d'écran pour tout concrétiser. L'idée n'est pas tant d'être pertinent ou même de délivrer quelque chose de réussi, mais d'offrir quelque chose que personne ne pourra pleinement critiquer sans y trouver quelque chose de bien, à faute de réussir à faire quelque chose que tout le monde peut apprécier. Il y a notamment une scène de jeu de cartes qui résume la chose, à travers deux générations de pères qui ne comprennent pas qui est ce qu'on doit croire ou combattre. Au final, le fils du personnage principal s'énerve et part dans sa chambre, car il n'arrive pas à leur faire comprendre qu'il n'y a pas de camp, juste une volonté globale de vivre en harmonie. Cela est poussé à un tel niveau que même si Disney promu, pour la première fois, un personnage ouvertement homosexuel, celui-ci ne soulèvera pas les problèmes liés à l'acceptation des homosexuels dans la société. On aura beau introduire un grand-père au comportement problématique avec un comportement viriliste auprès de son fils qu'il veut être aventurier et non fermier (le fils se retrouvant traumatisé, ne voulant pas être comme son grand-père, au point que cela en devient une intrigue importante dans le film), celui-ci ne verra aucun problème en l'homosexualité de son petit-fils parce que ces problèmes n'ont pas l'air d'exister (on y reviendra après en partie spoil). Malgré le propos de fond douteux, à vouloir tout banaliser et ne prendre aucun point de vue, faute de remettre en question des manières de penser néfaste, le film ne choque pas tant, car tout est tellement traité rapidement qu'on n'a pas le temps de s'attarder sur ce qui est dit, rendant le tout fade et sans intérêt. Il y a bien quelques scènes qui arrivent à capter l'attention, mais soit ce sont des scènes oubliables, soit ce sont des scènes terrifiante tant elles laissent présager rien de bon pour l'avenir. Une des seules scènes qui m'a marqué reste quand Splat se brûle et se voit soigner par le petit-fils de la famille. Ça peut paraître bête et sans intérêt, mais l'action est tellement simple dans un film qui se veut comme une voiture allant à fond la caisse, que ces moments de pures simplicités fond énormément de bien.


À côté de trop rare moment réussit, si le film est techniquement valide et convainquant, le film est difficilement défendable d'un point de vue artistique. On voit cela à travers des graphismes qui sont stupidement détaillés, sans la moindre réflexion de fond, et où tout est sec. Ça peut paraître du détail du chipotage qui n'a aucun sens, mais si l'on remarque bien, à part quelques rapides plans où la famille se prépare à manger, tout est sec et n'a pas vocation à travailler les textures ou les lumières. Si l'on prend le temps de regarder les cascades d'Avalonia ou même les lacs, ils sont soit filmé comme des liquides n'accrochant pas le sol, ou soit filmé dans l'ombre de telle sorte qu'on n'ait pas à remarquer du contraste ou une forme de variation de texture. Lorsqu'un personnage est recouvert de slime, il faut qu'un élément extérieur empêche le spectateur de voir un quelconque travail de texture ou même d'image, vu que le film n'a pas vocation à produire un quelconque travail à ce niveau-là. Même lorsque ce même personnage se retrouve complètement ingurgiter par une créature et qu'il parvient à s'en extraire, ses vêtements sont tâché, certes, mais les vêtements doivent rester sec, comme tout du long du film. Soit on ne prend pas assez de recul sur la direction artistique, soit c'est un choix purement réfléchi afin de mieux tout uniformiser. L'idée n'est pas de montrer du changement ou une évolution, mais d'habituer le spectateur à ce qu'il voit déjà. Ce qui fait que même si le film est loin d'être parfait, on ne passe pas tant un mauvais moment devant le film tant tout arrive à être suffisant à faute d'être intéressant, ce qui est le but même du film. Un produit dont on ne pourrait critiquer sa forme ni son propos de fond, car n'ayant pas de cible précise, et c'est ce qui fait que j'ai longtemps galéré à sortir une analyse de fond de ce film que d'autres ont eu beaucoup plus de facilité à critiquer (Si vous ne connaissez pas le vidéaste mis en copie, n'hésitez pas à aller le soutenir, il fait du bon travail). Malgré tout, si j'ai pu fixer mes idées sur ce film et en dégager une analyse suffisamment intéressante, c'est parce qu'un film se doit d'être traité dans sa forme, son propos de fond, mais aussi son propos méta-textuel qui se dégage de la place dans le paysage cinématographique actuel, ainsi que dans la filmographie de Disney en général. Si le film parait presque inoffensif au premier abord, ne racontant rien et ne souhaitant rien raconter, on trouve un propos et une cohérence d'ensemble lorsque l'on étudie le message méta-textuel du film

Lorsque l'on prend le temps d'étudier le film, au premier abord, on se rend compte qu'à part le symbole de la famille fracturé, on ne retrouve pas grand-chose de la manière même qu'a Disney de réaliser des films d'animation. Cela s'explique, comme pour Atlantide ou Planète aux trésors, par une période de transition que vit le studio (du cinéma au DVD et à la 3D pour les années 2000, du cinéma au streaming dans les années 2020) et par une remise en question des codes pour proposer autre chose durant cette période de transition. Il n'est alors pas anodin de retrouver les thèmes du voyage qui invitent, par définition, à aller vers l'extérieur, alors que les films Disney, comme dit en introduction, invitent à un retour aux sources et à "rester chez soi". Cependant, si l'on prend la manière qu'a le studio de traiter des codes du voyage dans Avalonia, on remarque que ces codes ne sont pas suivis à 100%, que cela soit par manque de maîtrise du sujet par rapport aux codes du récit d'aventures (que ce soit les cartes et les flash-back inutiles, la relation entre voyageur et quête qui est inexistante et ne créé pas d'intérêt spirituel à l'aventure, l'introduction qui cherche vaguement à reprendre des visuels de comics pulp sans jamais que ce style soit cohérent avec la direction artistique du film ou même son univers...), ou par volonté consciente et assumé de ne pas suivre ces codes. On voit, notamment à travers le traitement des enjeux liés aux personnages, que le film ne souhaite pas approfondir ou même développer un quelconque enjeu. La relation père/fils entre le grand-père et le père de la famille va très souvent tirer en longueur, car ne voulant pas tant soulever les problèmes du comportement du grand père, mais plus exposer une relation qui est amenée à s'améliorer d'elle-même. L'explication la plus simple et la plus cohérente à cette abstraction des problèmes est que le film considère que ces problèmes n'existent pas. L'un des moments le plus flagrant reste la relation entre le petit-fils et son grand-père, propice à des tensions évidentes dû à la confrontation du comportement viriliste du grand-père et de l'homosexualité du petit fils qui peine à être accepté pleinement dans la société à cause de comportement viriliste. L'idée est de montrer une idéalisation des rapports affectifs et sociaux, où il n'y a pas tant besoin de se justifier d'être soi-même, ou de penser ce que l'on veut. Tout de même, malgré ce postula, le film présente une critique de notre société à travers la place du Pando dans Avalonia, et le besoin qu'ont les habitants d'Avalonia d'être à l'écoute de la nature et de son environnement. Il en vient un paradoxe lorsque le message écologiste doit se conformer à l'idéalisation de la société qu'est le portrait d'Avalonia, vu qu'elle doit critiquer un comportement dans un monde, où la critique n'a pas sa place. Ce qui fait que lorsqu'une mutinerie se réalisera dans le vaisseau, la cheffe de la mutinerie ne sera pas tant remise en question, car en plus de ne pas être convaincante, elle ne sera pas montrée comme étant en tord. On est alors perdu sur les intentions même du film et sur comment le film raconte son histoire, jusqu'au plan d'ensemble de la planète qui met tout au clair et qui est, selon moi, le plan le plus effrayant de l'histoire du studio. Ce plan représente Avalonia comme une immense tortue nageant indéfiniment autour d'une immense planète entièrement constitué d'eau, et se veut comme un aboutissement du voyage et de l'aventure selon Disney. C'est une évidence, et si ça a l'air idiot de le rappeler, il est important d'analyser cette fin pour comprendre ce que le film souhaite raconter. On comprend que, grâce à la famille Clade qui a appris à écouter la nature, le monde peut vivre indéfiniment, heureux et vacciné, dans une forme de prospérité et d'harmonie symbolisée par cette tortue nageant paisiblement dans cet océan infini, en cercle fermé. Cependant, il se dégage de ce plan un goût d'amertume et de tristesse dû au fait que tout rêves d'aventures semblent mort avec ce dernier plan. Celui-ci replace l'échelle du voyage et la distance réellement parcouru par cette famille qui, techniquement, n'ont pas tant voyagé, ils ont juste appris à mieux connaître où est ce qu'ils vivent. On retrouve donc la thématique du "restez chez soi" propre à Disney. On comprend que finalement, selon Disney, cela ne sert pas à grand chose de voyager et de quitter sa zone de confort, car on peut découvrir et redécouvrir sa propre maison. Mais maintenant que l'on connaît l'étendue de l'univers d'Avalonia l'étrange voyage, de mauvaises questions commencent à émerger. Après que la famille ait réussi à sortir de la tortue, où est ce que les explorateurs pourraient aller ? La planète semble inhabité autrement que par la tortue Avalonia et l'espace semple terriblement vide, à quoi ça sert de rêver d'extérieur et d'exploration, alors que nous avons vu l'entièreté du monde en un plan ? Est ce que le grand-père et le petit-fils vont bien vivre cette triste réalité ? Est-ce que c'est vraiment ça une vie idéal selon Disney ?

On comprend alors que le film adopte un regard totalement hors-sol et déconnecté de la réalité, et que si le film semble ne jamais traiter pleinement les problèmes qu'il soulève, c'est parce que le film, soit ne semble pas avoir le recul suffisant pour les comprendre, soit ne souhaite tout simplement pas les voir. Mais le plus effrayant avec tout cela, c'est que l'on voit un idéal filmique selon Disney, où on ne résout pas les problèmes, kit à ce qu'elles s’aggravent à l'avenir, et où Avalonia l'étrange voyage serait un pas de plus vers le progrès, bien qu'il n'est qu'une régression inquiétante et affligeante. C'est ça l'aventure selon Disney ? C'est ça un bon film sur la famille ? C'est ça un bon film d'animation Disney en 2022 ? J'ai plus eu l'impression de voir un récit bête et stérile, encore moins intéressants et divertissant que Jungle Cruise (qui lui-même peut être considéré comme étant un des plus grands cimetières de l'intelligence et du bon goût), à l'image pas très honnête comme Steve bête de combat, ne servant qu'à vanter les mérites d'une entreprise. Si Avalonia l'étrange voyage est un film passablement oubliable et pas désagréable en soit, le fait même de voir un studio se complaire à faire le strict minimum perverti l'ensemble de notre avis sur le visionnage, nous donnant le sentiment de ne pas être respecté vis-à-vis du fait d'accorder 1h40 d'attention au film. On le voit notamment à travers ces plans, devant présenter un monde grandiose et fantastique qui, pour aucune raison apparente, sont étrangement courts et abruptes, ne réussissant pas à retranscrire le merveilleux du décor. En prenant conscience de toute la possible arrière pensé derrière ce film, on en déduire que si les graphismes sont à ce point détaillé, c'est parce que Disney est convaincu que cela suffit pour créer de l'émerveillement. À quoi bon accorder plus de temps sur les décors et l'univers autour d'Avalonia si ce n'est pour empiété sur les relations de personnages et sur le scénario, tout en montrant qu'au final, l'environnement est assez vide et redondant. En résumé, ce film montre ce que Disney peut faire de pire dans l'animation, et montre à quel point le studio n'était sans doute pas animé que de bonnes intentions lors de sa réalisation.


6,5/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi
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le 16 janv. 2023

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