Encore un film que j'avais vu à la télé, alors adolescent, et qui m'avait énormément impressionné. Je me demande même s'il n'était pas accompagné du (fameux) carré blanc. Mais mes parents, qui connaissaient le film, avaient jugé utile que je le voie. Une vraie gifle, ce film. Même aujourd'hui.
Je ne l'avais jamais revu jusqu'à ce que je trouve le DVD dans la collection "Gaumont".


C'est un film de Cayatte réalisé en 1954 à peu près au moment de la guerre de Corée. C'est, comme on dit aujourd'hui, de la politique fiction.


L'histoire est simple : elle raconte l'histoire de cinq jeunes gens d'environ 16 - 17 ans qui refusent l'idée d'une guerre et veulent fuir une éventuelle troisième guerre mondiale redoutée par les politiques et martelée par les médias. Mais fuir vers une île paradisiaque dans le Pacifique demande beaucoup de moyens. Ces jeunes montent un cambriolage pour trouver cet argent. Rien ne se passe comme prévu, ils tuent accidentellement un veilleur de nuit enclenchant un processus irréversible. Ils seront jugés et condamnés.


Evidemment la présentation faite par Cayatte est beaucoup plus complexe puisqu'il croise l'histoire des cinq jeunes par le contexte familial de chacun pour attirer l'attention du spectateur sur la vraie responsabilité des parents dans les actes des enfants, responsabilité non actée dans les jugements rendus, dira Cayatte. Pour affirmer la démonstration, Cayatte n'hésite pas à mettre en avant un manichéisme certain chez ses personnages et à pousser les raisonnements jusqu'au bout.
D'ailleurs il le précise en pré-générique : c'est une histoire complètement fictive qui ne repose sur aucun évènement réel. Simplement, il est possible que les contextes aidés par un certain arrangement des évènements puissent conduire à ces extrémités.


Le film comporte plusieurs grilles de lecture.
D'abord cette amitié entre ces cinq jeunes qui semble très forte malgré les importantes différences socio-culturelles des jeunes, à laquelle le spectateur accepte de croire car, après tout, les enfants ne sont pas obligés d'adopter les travers parfois haïssables des parents. Le problème posé : comment cette amitié à la vie à la mort résistera-t-elle aux coups durs ?


L'importance de l'éducation et de l'exemple (les valeurs, en somme) apportés par les parents aux enfants. Apparemment, les enfants savent s'en affranchir ou passer par dessus voire même les combattre. Par quels mécanismes, cette éducation ou cet exemple reviendra naturellement ?


Le rôle des médias avec leur lot quotidien de mise sous pression des gens ordinaires qui n'ont pas forcément toutes les clés pour apporter le bon jugement critique. Tiens, tiens, ça c'est drôle car aujourd'hui il y a le même type de pression encore plus insidieux avec les rumeurs complotistes, fake news développées sans limite par les réseaux sociaux : finalement, la société n'a pas tant évolué que ça.


Le casting est excellent
Antoine Balpetré dans le rôle d'un père aigri condamné à la Libération et qui voue une haine féroce à tout ce qui est juif comme responsable de sa situation actuelle.
Bernard Blier, excellent dans le rôle d'un père veuf, professeur en lycée mais activiste politique contre la guerre en Corée, un peu chtarbé, qui découvre, incidemment, que sa fille est livrée à elle-même ...
Paul Frankeur, tout aussi excellent en père, grand bourgeois, gros propriétaire qui fuit la guerre qui s'annonce en laissant femme et enfant à Paris.
Jacques Castelot dans le rôle d'un aristocrate, séducteur et libertin
Isa Miranda dans le rôle de l'épouse de Frankeur, plus préoccupée par son look de femme vieillissante que par l'éducation de son fils.
Et Marina Vlady, âgée de moins de seize ans, que je trouve à la fois émouvante et étrangement mature dans le rôle d'un des jeunes. Son jeu plein de candeur et plein de gravité notamment face à son père (Bernard Blier) est assez inoubliable. Une belle et très prometteuse actrice.
D'autres rôles secondaires sont tenus par Marcel Pérès en flic, Albert Remy en barman, Gérard Blain en lycéen bagarreur, ...


"Avant le déluge" est un film que je trouve toujours intéressant même s'il est très manichéen car il interpelle sur différents plans comme l'importance de l'éducation ou d'un contexte sur les comportements.
Par bien des côtés, c'est un film qui fait froid dans le dos.

JeanG55
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le 2 mars 2022

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JeanG55

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