Soyons honnêtes, je pensais tomber sur une petite niaiserie. Un de ces scénarios qu'on regarde d'un œil distrait. Et me voilà soudain à ouvrir les deux yeux, pour un film qui n'était pas prévu, comme une réplique que l'on n'attendait pas.
Avec une lumière du Sud qui s'invite, venue d'Avignon, portant avec elle son parfum de spectacle vivant. Plein de chants, de danses, interprétant mille rôles, au point que les murs eux-mêmes semblent réciter des vers.
Puis viennent les comédiens, les grands, les beaux, les vrais, ceux qui portent haut les mots de Corneille, Molière et de Victor Hugo. Et puis les autres, de pauvres troupes qui ne font pas partie du même monde. Des ringards, qui tentent de faire rire quelques spectateurs égarés, dans une cave perdue, aux sièges vides, et à la pensée absurde.
Un théâtre dans le théâtre, le miracle d'Avignon, une ville entière qui chaque année bat au rythme des planches, où le sublime et le ridicule coexistent, afin que ce festival se transforme en une unique clameur de vie. Habillée de poussière dorée, portée par l’énergie populaire du spectacle de boulevard et la force du verbe ancien.
Au milieu de ce grand théâtre du monde, se tient Stéphane, joué par Baptiste Lecaplain. Nerveux, précis, amoureux et drôle, qui sait qu'il va tomber mais continue de sourire.
Oubliant le temps d'un instant ses one-man-shows et ses acrobaties verbales, sa légèreté d'enfant malicieux, pour entrer dans la véritable scène, y jouer l'acteur, tenter la pudeur, le ridicule, et contre toute attente trouver le ton juste à son personnage.
Rêver de quitter ce comédien fatigué, fait de petits rôles, de petits cachets, et de comédies toutes pourries « Ma sœur s'incruste », pour se glisser dans la peau du héros tragique et embrasser la jolie Fanny (Elisa Erka), dans une envolée lyrique, et brusquement entendre la grande gueule de Serge (Lyes Salem) lui dire que ce n'est pas lui, qu'ici chacun joue sa survie : Coralie (Alison Wheeler), Patrick (Johann Donnet) et Amélie (Constance Carrelet). Malgré les difficultés, l'envie d'être un autre.
Avignon, sous ses airs légers, du réalisateur-acteur Johann Dionnet, dans son propre film, réussit quelque chose d’intéressant, sans se prendre au sérieux. Il parvient à parler de courage, de culture telle un combat. Cette obstination à continuer malgré les rideaux fermés, les subventions absentes, les publics indifférents et les conflits internes.
Ainsi, peut-être alors le théâtre n'est-il pas mort, tant qu'il y aura des premiers rôles et des silhouettes dans l'ombre. Des rires, des larmes. Vivre de sa passion, et qu'importe, tant qu'Avignon continue d'exister.