Clairement, le film de Jimenez a été un évènement dans l'Hexagone l'an dernier. Second plus gros succès français de 2021 en ayant rassemblé près de 2,2 millions de spectateurs, BAC Nord était un grand film populaire.
Outre la polémique qui gonfle autour du film et qui est une récupération politique habituelle, BAC Nord est surtout un film qui a marqué le grand public, d'ailleurs c'est l'un des rares films où beaucoup de gens en sont ressortis très satisfait. Pourquoi ?
Jimenez réussit un peu le film de flic français que tout le monde attendait depuis un paquet de temps. Loin du drame social de Ladj Ly, BAC Nord lorgne très vite vers un rythme à l'américaine : haletant, entrainant, ne laissant aucun répit.
Certes certaines ficelles sont grosses (non, tous les quartiers ne sont pas horribles), mais elles permettent d'avancer une histoire palpitante. Au niveau technique, franchement, BAC Nord est une franche réussite. Les scènes de poursuite comme de fusillade sont vraiment très bien foutues, et le rythme d'enfer, seulement reposé pour quelques jolies scènes, alterne avec ce que subit la BAC à Marseille.
Il faut vraiment souligner que le trio d'acteurs est formidable, Lellouche obtient probablement son meilleur rôle, de même que Karim Leklou est vraiment convaincant, et François Civil est magnétique, de même que les seconds rôles sont toujours bien choisis. Le choix d'une très légère musique et certains ajouts musicaux sont assez audacieux et vraiment pas mal.
La mise en scène et la photographie est par contre un des plus gros atouts du film : elle nous immisce dans ce monde impitoyable de la BAC à Marseille, et son quotidien difficile. Elle arrive à être précise, nerveuse, extrêmement bien travaillé et découpé, afin de nous faire monter en tension jusqu'à la fameuse scène dans les quartiers, sorte d'apothéose du film d'action à la française. Elle amène ce côté flic, mais surtout alterne extrêmement bien les scènes en dehors plus posés et plus drôles, toujours aussi bien filmé, qui nous fait voyager dans le monde marseillais, et que la réalité est bien plus complexe que ce que l'on dit.
Les scènes d'action sont pas mal du tout, mais clairement il y en a pas tant que cela, c'est plus la montée en tension avant l'action et le fameux "calme" avant la tempête, ce stress, cette tension qui parcourt tout le récit et qui est vraiment très bien rendue.
On voit ici une analyse psychologique du destin de ces hommes qui vont se briser petit à petit, abandonnés par leur hiérarchie, et qui fait du bien car il n'est surtout pas manichéen, et que les dealers ou les caids sont loin d'être tous méchants. La question du bien et du mal revient souvent, et celle de l'abandon ou non de la loi est elle- aussi essentielle, avec une hiérarchie qui s'en fout et des pions qui trinquent avec peu de moyens. Le film est peuplée de moments marquants qui vont rester (la fameuse scène du milieu, ou la scène en voiture avec le petit), cela ne m'étonnerait pas que le film devient rapidement culte.
BAC Nord mérite tout son succès, et est de loin un des films les plus intéressants et passionnants de ces dernières années, et tout son artisanat technique est mis au point afin de retranscrire une certaine idée de Marseille. Vraiment brutal, prenant, viscéral et sans concessions, BAC Nord est le film policier et d'action français que j'attendais, qui peut regarder dans les yeux les productions américaines. Typiquement le genre de polar vraiment excitant dont le cinoche français devrait prendre exemple, d'une intensité exemplaire.