Présenté dans la sélection hors compétition du Festival de Gérardmer 2021, Come True du cinéaste Anthony Scott Burns vient embellir une édition déjà bien garnie. Le film, qui s’articule autour du rêve puis des peurs inconscientes et collectives, est une proposition de cinéma troublante et extatique. Le coup de grâce du festival.


D’emblée, le film essaye de faire vaciller nos sens avec des travellings avant qui seront récurrents et qui nous immergeront dans les rêves sombres et hantés de la jeune Sarah, aux effets spéciaux imparfaits mais captivants. Ne voulant pas dormir chez ses parents, et ne voulant avoir aucun contact de près ou de loin avec la sphère familiale, pour des raisons qui nous échappent, elle erre en ville avec une amie ou dans son lycée. Sitôt la nuit revenue, le film nous replonge une nouvelle fois dans ces rêveries ténébreuses au design proche d’un Silent Hill ou de Channel Zero, avec au bout du chemin, chaque fois, cette même et unique silhouette, d’homme musculeux et ténébreux aux yeux sans visage, qui semble être le centre névralgique d’une peur profonde.


Avec son environnement de « suburbs » américaines doté d’un cadre dream-pop qui fait directement penser au cinéma de Sofia Coppola (Virgin Suicides), de Gia Coppola (Palo Alto) ou même de David Robert Mitchell (The Myth of the American Sleepover), le film fait très rapidement le pont entre son univers de teen movie et son ambiance de film d’angoisse à la Philip K. Dick (influence citée dans le film). Alors qu’elle ne sait plus où loger, mis à part chez une amie, Sarah va intégrer une étude visant à observer les troubles du sommeil, notamment le sommeil paradoxal, afin de trouver un toit où dormir et de gagner un peu d’argent. Sauf qu’elle va vite se rendre compte que cette étude va avoir de réelles répercussions sur elle et que les scientifiques en question ne lui ont pas tout dit. Notamment sur la matérialisation de ses peurs.


Come True n’est pas un film de peur mais plutôt un film sur la peur, une oeuvre qui capte cet instantané de pures paralysies nocturnes, ce moment indicible qui semble préoccupé par une peur commune, universelle chez tous les sujets. Avec son cadre soigné et sa teinte bleutée que ne renierait pas Michael Mann, le film se veut être une véritable séance d’hypnose, voulant observer le rêve et ses méandres par le biais du rêve lui-même. A l’image des protagonistes devenus les « cobayes » de cette étude, le spectateur reste éveillé sans réellement être conscient de ce qui se déroule devant ses yeux. Comme paralysé et envouté.


Le spectateur, comme les personnages, essaye de scruter chaque écran pour découvrir la raison de cette angoisse qui monte, et est aussi aidé en ce sens, notamment par la sublime bande-son de Electric Youth, omniprésente, qui ne surligne jamais les émotions, mais au contraire accompagne cette perpétuelle tension et ce flou continu qui voit petit à petit le récit nous échapper des mains. Pour mieux nous impressionner. Alors que le film, à l’instar de sa caméra, semblait avancer continuellement en ligne droite (en verticalité), se désirant donc monolithique, se veut beaucoup plus tortueux spécifiquement à partir de son terrifiant climax de milieu de récit, où le rêve commence à s’incruster dans le réel et inversement.


Il est difficile de décrire ou d’expliquer Come True, mais c’est un peu comme si Columbus de Kogonada rencontrait les affres de Freddy Krueger : une balade hypnotique, musicale, qui cette fois ci, sera remplie de non-dits, de frustrations contrariées, d’inconfortables peurs et dont la fin, aux multiples interprétations sur les vérités du récit (les violences, le harcèlement, la solitude, l’état végétatif, l’imbrication de strates de conscience), n’enlève en rien la puissance formelle et auditive qu’est Come True. Une expérience tétanisante. `


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Velvetman
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le 31 juil. 2021

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