Une comédie barrée avec une ouverture et une fin réjouissantes

Je ne vais pas dévoiler l'ouverture de ce film roumain, si je voulais m'enflammer je pourrais écrire que c'est la scène la plus hilarante de l'année. Bref, ça part très fort puis ça se gâte vraiment avant de remonter la pente dans la dernière partie.

Emilia est prof dans un lycée huppé de Bucarest avec un problème grave: une sextape avec son mari est disponible sur Internet. Tout en cherchant à supprimer cette autoproduction, elle déambule dans la capitale roumaine où les gens se détestent, s'insultent, n'arrêtent pas de s'engueuler et se roulent même dessus. L'office du tourisme de Bucarest va faire la gueule. Radu Jude multiplie les panoramiques pour nous montrer le décor urbain constitué de publicités, d'affiches pour des salles de sport et des politiciens, de fresque nationaliste. Il est intéressant de filmer une ville au cinéma mais le procédé de mise en scène en panoramique passant d'Emilia à un élément du paysage est extrêmement répétitif, ne raconte pas grand chose et la séquence dure trop longtemps. La deuxième partie est consacrée à un long montage d'archives et de vidéos où Jude mélange tout: la dictature communiste avec Ceausescu, les conneries à la télé, la violence sur les enfants, l'humiliation de salariés par un patron hystérique, la fellation comme sujet de recherche numéro un sur Internet... Cette séquence est pénible et peu drôle, du remplissage et on se demande si le film va recommencer un jour après une première scène géniale?

Oui, je rassure tout le monde, le film recommence avec une troisième partie plus vivante: le conseil de discipline d'Emilia devant les parents d'élèves avec la directrice de l'établissement. Le visionnage de la sextape par les parents en présence de la prof est un grand moment de comédie, les choses prennent ensuite la tournure d'un débat lunaire. Entre les sarcasmes, les règlements de compte, la lecture de textes sérieux pour donner un cachet intellectuel à leur petit procès et les accès de haine comme le complotisme ou le racisme, les parents se servent de cette histoire pour exprimer leurs névroses, déconner ou régler des comptes personnels avec la prof. Les dialogues sont parfois durs à saisir car ils sont truffés de références mais le cinéaste arrive à dénoncer avec pas mal de mauvais esprit l'hypocrisie des gens face au sexe et à la pornographie, ils ne font rien pour surveiller leurs enfants mais ils font un drame pour une sextape entre une femme et son mari. Bien qu'inégale par moments, cette troisième partie se regarde avec plaisir et ne recule devant aucun tabou. Bad Luck Banging or Loony Porn est une comédie originale et barrée avec une ouverture et une fin réjouissantes.

dvabre
7
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le 1 oct. 2023

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dvabre

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