Ils sont deux faces d'une même pièce.
Ils sont le blanc et le noir.
Indissociables mais inconciliables.
Complémentaires mais conflictuels.
Ils sont le triste et le drôle.
La brute et le rêveur.
Ils sont l'Amour d'une femme, son cœur brisé.
Ils sont le jouet d'un destin qui échappe au temps et traverse l'Histoire, toujours présente mais jamais dominante. Car l'époque est trouble – le sort d'un père, absurde embrigadé, victime irraisonnée de ces guerres sans fondement, clown sauvage et plus triste que jamais, en témoigne – et la critique sociale virulente. Ce cinéma n'oublie jamais d'avoir un sens, mâtine sa démesure de rappels historiques et, par son absolu décalage, propose une satire des plus acerbes.
Ils sont des hommes malades.
Ils sont des aliénés en devenir.
Ils sont attachants et c'en est effrayant. La pitié, décriée, conspuée, prend pourtant le pas sur tout. Car la descente – ou la très symbolique montée – aux enfers est savamment orchestrée, filmée avec un cruel acharnement chirurgical. Comment alors, ne pas s'enticher de ces deux clowns, innocentes victimes d'un pays qui perd la tête, condamnés avant d'être jugés.
Ils sont sales et dépenaillés.
Ils sont vils et peu glorieux.
Ils sont incroyablement beaux. Et si bien entourés. De cités ravagées en cirques bigarrés. De vertigineux sanctuaires en champs de bataille. Sublimes écrins d'une déchéance théâtralisée.
Ils sont les amants d'une âme perdue. Puérile et désinvolte autant que troublée et névrosée. Elle non plus n'a pas eu d'enfance. Natalia / Carolina, déesse maudite et inspirée, s'offre un rôle inouï, perpétuellement remis en cause, bluffant d'ambiguïté. Elle est le déclencheur puis le catalyseur. Elle est celle par qui toutes les émotions transitent, condamnée à la souffrance par une soif de vivre incontrôlée.
Ils sont drôles bien malgré eux.
Ils portent sur leurs visages le fardeau du rire.
Ils ne sont jamais à leur place à l'heure de la tragédie. Absurdes marionnettes aux émotions humaines. Gardes-frontière entre rire et larmes, ils arrachent l'un comme les autres au public médusé.
Ils sont aimés des enfants.
Ils sont aimés par leur troupe. C'est dans l'adversité que se révèle l'amitié. Courageuse troupe prête à tout risquer, ode miraculeuse aux valeurs humaines et individuelles, diamétralement opposées à celles du régime en place. C'est par elle que vient l'espoir, que le propos est allégé.
Ils sont affreux.
Ils sont sanguinaires.
Ils sont ennemis.
Ils sont unis.
Deux clowns.
-IgoR-
8
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le 3 juin 2014

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-IgoR-

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