Sujet passionnant mais complexe, il est difficile de représenter la banlieue au cinéma sans tomber dans le lieu commun ou la caricature. Le cinéma français, après La haine de Matthieu Kassovitz (référence ultime du ''genre''), s'est donc orienté vers deux schémas opposés. D'un côté, les films de divertissement, mêlant action, humour et clichés assumés (Yamakasi, Banlieue 13, Les kaïra) et de l'autre des œuvres sociales dénonçant les problèmes inhérents à ces lieux défavorisés (L'esquive, La désintégration, Tête de turc). La dernière œuvre de Céline Sciamma Bande de filles se situe dans cette seconde catégorie mais s'intéresse à des personnages novateurs souvent absents des productions sur les cités : les filles. Après Naissance des pieuvres et Tomboy, la réalisatrice continue ainsi son exploration de l'adolescence et l'on retrouve avec Bande de filles ses thèmes de prédilection : l'affirmation libertaire et la découverte de sa sexualité. Bande de filles, c'est en effet l'histoire de Marieme, timide ado de 16 ans, dont la vie change du tout au tout lorsqu'elle rencontre 3 filles qui osent danser, se battre, vivre leur jeunesse. La grande prouesse de Céline Sciamma est d'ailleurs d'avoir réussi à s'affranchir du contexte local pour nous livrer un récit d'apprentissage réaliste et poétique empreint d'une force vitale et résistante assez extraordinaire. Sa maîtrise parfaite de la mise en scène et des couleurs vient compléter cette œuvre remarquable, intelligente et originale qui ne peut que redonner courage et espoir à une jeunesse de plus en plus désenchantée.


Zoom sur … Le Comoedia, un cinéma centenaire en plein essor


Situé à une trentaine de kilomètres de Vienne, en plein centre lyonnais (le train Vienne-Lyon Jean Macé permet de vous y rendre en 30 minutes), le Comoedia est le cinéma indépendant le plus prometteur de ces dernières années. Pourtant, la vie du complexe a souvent été menacée. En effet, ouvert en 1914, le Comoedia est entièrement détruit en 1944 durant la seconde Guerre Mondiale et devra attendre 1949 avant de rouvrir ses portes. De cinéma de quartier, il devient un complexe cinématographique de six salles grâce à la famille Lapouble, propriétaire du cinéma jusqu'en 1993, date à laquelle UGC reprend le lieu. En 2003, le groupe l'abandonne et le cinéma semble alors définitivement fermé. Mais grâce à la volonté de Marc Bonny, le propriétaire actuel, ce dernier renaît une seconde fois de ses cendres en 2006, non sans difficultés, car il doit faire face à la concurrence des grands groupes et au procès d'UGC. En quelques années, le Comoedia est cependant arrivé à conquérir les cinéphiles lyonnais en proposant une diversité d’œuvres réjouissantes (du cinéma art et essai porteur ou plus confidentiel, jeune public, des documentaires, des œuvres classiques) mais aussi de nombreuses rencontres avec des réalisateurs, des ciné-débats, des festivals (Hallucinations collectives...) dans une ambiance et un cadre familial. Avec plus de 300.000 entrées par an, ce dernier devrait s'agrandir d'ici quelques années (3 nouvelles salles) et reste ainsi la preuve bienheureuse que le cinéma art et essai attire. Cette semaine, vous avez donc deux bonnes raisons de vous y rendre : visionner un film excellent Bande de filles et découvrir cette salle mythique du paysage lyonnais.

Mélany_Tllet
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le 25 janv. 2015

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