Sortir de la masse sans aucun complexe

Pendant une première demi-heure qui prend la forme d’un faux documentaire télévisée, Carlo Lizzani pose, de façon un peu mathématique, le contexte de son film : l’illustration sur grand écran d’un fait divers criminel ayant marqué les esprits par le sang qu’il a fait couler dans les rues de Milan. La cavale de 4 truands déterminés conduits dans les ruelles malfamées de la violence intéressée, par un chef dont l’égo n’avait d’égal que le débit de son verbe fleuri.

Si cette forme très informative est d’une efficacité redoutable, elle laisse aussi craindre un déroulement un peu linéaire et trop informatif pour captiver l’attention sur la distance. Carlo Lizzani en est conscient et change de tonalité dès que les différents enjeux sont posés. Le fait divers est raconté dans sa globalité une première fois, le groupe de criminel est introduit, la force policière qui s’organise pour les coffrer également, il peut alors poser sa caméra au cœur de l’organisation criminelle dont il est question pour expliquer plus précisément comment tout s’est déroulé. Il laisse pour l’occasion le champ libre à un Gian Maria Volonté délicieux pour dérouler son personnage, avec tout le charisme qu’on lui connait, afin de tromper le trublion Tomas Milian, qui pour l’occasion, se coiffe du béret d’un commissaire inflexible, désireux de ramener la paix dans les rues de sa ville.

Il va sans dire qu’une fois la caméra fixée sur les trois malfrats, le film décolle et ne remet pied à terre qu’en fin de parcours. Le voyage est stimulant, marqué par des punchlines qui font sourire et une caméra qui parvient à saisir l’essentiel de l’action sans en faire trop. De ce style documentaire ayant marqué le début du film, et de cette envie d’illustrer l’insécurité typique d’une époque qui a inspiré toute une partie du néo-polar à l’italienne — dont Bandits à Milan est l’un des précurseurs — découle une prise de vue réaliste qui se contente de suivre l’action en choisissant le point de vue qui en offrira la plus grande lisibilité. En témoigne cette course poursuite finale, fluide et ambitieuse, qui sans s’embarquer dans une réalisation marquante à la French Connection, retranscrit l’horreur de cette traque meurtrière avec une froideur clinique qui donne des frissons.

L’intelligence de Carlo Lizzani est aussi de laisser sa caméra s’échapper de son sujet à plusieurs reprises pour introduire patiemment des éléments disparates qui semblent hors de contexte lorsqu’ils apparaissent à l’écran, mais prennent leur importance lorsque le climax se déroule. Un choix narratif efficace qui donne une importance particulière aux dommages collatéraux occasionnés par la fuite des féroces cambrioleurs.

En guise de conclusion, pour s’éviter le piège de la généralisation et apporter à son film une nuance nécessaire, Carlo Lizzani laisse faire tout le talent de Gian Maria Volonté : ce dernier apporte le point final par un monologue assourdissant, débité avec un flow que lui jalouserait le plus intrépide des rappeurs, ne laissant aucun doute quant à sa mégalomanie maladive. Quelle magistrale démonstration d’acteur !
oso
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le 12 oct. 2014

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oso

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