Bangkok Nites (2016) - バンコクナイツ / 183 min
Réalisateur : Katsuya Tomita - 富田克也
Acteurs principaux : Subenja Pongkorn ; Sunun Phuwiset ; Chutlpha Promplang ; Katsuya Tomita.
Mots-clefs : Japon – Thaïlande – Prostitution – Post-colonial - RoadMovie


Le pitch :
Bangkok, mégalopole en perpétuelle expansion. En son coeur, la rue Thaniya, quartier rouge destiné à la clientèle japonaise. Luck en est l’une des reines. Habitant seule dans un luxueux appartement, elle subvient à sa famille nombreuse demeurée dans une province du nord-est, près de la frontière laotienne. Un jour, Luck retrouve Ozawa, un client japonais dont elle était tombée amoureuse cinq ans auparavant. Ancien soldat des Forces japonaises d’autodéfense, il vivote dans une chambre modeste des bas quartiers. Quand Ozawa doit se rendre au Laos, elle l’accompagne pour le présenter à sa famille et ses amis d’enfance. Durant ce court séjour, las de sa vie à Bangkok, Ozawa aspire à une vie paisible dans ce petit village, mais prend conscience des cicatrices du colonialisme.


Premières impressions :
Bangkok Nites, c’est l’histoire d’un réalisateur japonais amoureux de la Thaïlande, d’un réalisateur sans le sous, qui tient un stand de yakitori à Bangkok la semaine pour pouvoir vivre sur place, d’un réalisateur qui transpire le documentaire mais qui se perd dans la fiction. Bangkok Nites, c’est aussi un film fleuve de trois heures, c’est une intention qui veut traiter de l’Asie post-coloniale, de la prostitution en Thaïlande, de la recherche du paradis perdu, des stigmates de la guerre et d’une bonne dizaine de thèmes connexes. Bangkok Nites, c’est également un film mal équilibré, qui oscille entre médiocrité et très grands moments de grâce.


La grande force du film, c’est d’avoir un réalisateur qui a choisi de ne pas se censurer, ou alors qui n’a pas su choisir. J’ai eu l’impression que Katsuya Tomita était rentré du pays avec cent cinquante heures de rushes et autant d’idées qu’il a essayé de faire tenir en trois heures. Ainsi les personnages, les lieux, les atmosphères, les trames scénaristiques et les sujets de reportages se multiplient en petites scènes de deux minutes jusqu’à nous perdre. Les bulles de narrations pullulent avec l’inspiration pantagruélique du réalisateur, nous plongeant tout entier dans un monde riche, généreux, complexe, entier. Seulement toute cette richesse donne parfois l’impression de ne faire qu’effleurer la surface de nombreux sujets qui mériteraient tous un film propre. Si cette manne d’informations apporte son lot de grands moments, trop de pistes restent à l’état d’idées et ne servent qu’à noyer la trame principale.


Hélas, si le film est magnifique quand il prend des accents de road-trip et de reportage, il est sérieusement médiocre quand il veut faire dans la fiction. Katsuya Tomita et son équipe ont réussi, après plusieurs années, à se faire accepter par les bordels pour japonais de la capitale thaïlandaise. Cependant, cette recherche de réalisme qui l’a poussé à tourner en décors réels est totalement mise à mal par l’amateurisme des acteurs. En effet, Katsuya Tomita a fait le choix de ne travailler qu’avec de parfaits amateurs (sont-ce des amis ? des vrais clients ? des vraies prostituées ?) qui pour la plupart jouent extrêmement mal. J’ai même crû à une blague pendant la première heure et qu’il y allait y avoir un twist pour expliquer ce « sur-jeu ». Attention, je suis un habitué des films japonais et je ne parle pas du sur-jeu traditionnel nippon qui est charme que j’apprécie. Je pointe plutôt l’impression récurrente que les acteurs récitent leurs textes par cœur, à la manière d’enfants qui balbutient leurs pièces de théâtre. Cette impression est un peu moins présente en thaï, mais nous saute au visage dès que les protagonistes parlent japonais, comme s’ils avaient dû s’en tenir au texte à la virgule près. De plus, les dialogues sonnent extrêmement faux. Toute la partie à Bangkok est beaucoup trop écrite et manque totalement de spontanéité. En fait on sent que le réalisateur cherche maladroitement à replacer des anecdotes qu’il a vécu ou qu’on lui a raconté.


Paradoxalement, dès que la camera se pose sur le Nord du pays et que l’on plonge au cœur de la Thaïlande, l’amateurisme s’efface doucement au profits de quelque chose de plus naturel. Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’ai eu l’impression que le réalisateur avait posé sa caméra dans la vraie famille de l’actrice principale Subenja Pongkorn, l’impression que le film se laisse un peu plus aller tout en disposant d’une réalisation et d’un propos plus soigné. Les images prises sur le vif et la fiction se mêlent plus harmonieusement. Néanmoins c’est aussi le moment où le réalisateur multiplie les trames, les personnages et les lieux, comme débordé par les sujets qui s’imposent à lui. Précisons que le réalisateur joue lui-même un des personnages principaux et parfois le film prend des accents de reconstitution de ses expériences de road-trip, sans avoir vraiment de lien avec la fiction elle-même.


Pour conclure, Bangkok Nites est un film parfois superbe, qui contient des moments magnifiques malgré un jeu souvent médiocre et une trame principale aux desseins confus. Soutenu par une musique groovie tout droit venue de la région d’Isan, le film nous offre un panorama exhaustif d’une Thaïlande mal connue. Trop long, trop varié et surtout mal joué, il est difficile pour moi de qualifier Bangkok Nites de bon film. Paradoxalement, je ne peux que le recommander à tout amateur ou curieux du pays car je suis sorti de la séance avec des émotions et des images plein la tête. Peut-être est-ce là l’essentiel.

GwenaelGermain
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le 24 janv. 2017

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