Barbie de Greta Gerwig est un film avec une forme impeccable, et un fond très discutable, voir limite. Quel genre de film faire sur l’un des jouets les plus connus au monde ? La réalisatrice a choisi de faire de son film une comédie sociale féministe sur le patriarcat. Clairement adressé aux femmes adultes et non aux enfants, et je plains sincèrement le jeune public, pensant trouver un film mignon et léger, auquel les notions de patriarcat, capitalisme, cellulite n’évoqueront rien. De quoi parle ce film ? Le film interroge le rôle d’un jouet dans son rapport avec la condition de la femme. Barbie étant une alternative aux traditionnels poupons, permettant aux jeunes filles de vivre une vie de femme par procuration, « Barbie sachant tout faire » et pouvant revêtir une apparence différente en fonction des modèles.
L’idée du long métrage est de donner vie à travers Margot Robbie (rien à dire, joue bien comme à son habitude), à un modèle « stéréotypé » de Barbie, la blonde svelte aux yeux bleus ravageurs qui vit sa vie de rêve à Barbie Land, une société matriarcale autogérée par les Barbie où les « Ken » ( les hommes) jouent le rôle de « potiche ». Cette Barbie commence à se détraquer, comprenez par là qu’elle commence à ressentir les effets d’une pré-ménopause. Symptômes dépressif, corps qui change, vie plus si idéale que ça, Barbie décide de consulter « l’oracle » locale ( avec des références à Matrix bienvenues) qui lui somme d’aller dans le monde « réel », rencontrer sa propriétaire qui déteint littéralement sur elle.
Ni une ni deux Barbie, accompagnée à contre-coeur d’un Ken amoureux transi déchu de la belle (Ryan Gosling, hilarant) qui va l’accompagner à LA. L’arrivée dans le monde réel, s’apparentant à une sortie de la matrice, est un tournant dans le film. La dimension « politique » du film est mis en œuvre, en l’espace de 20 minutes, on atteint presque un point Godwin (« Barbie c’est fasciste »), Ken découvre le patriarcat, est séduit par le concept, et l’importe à Barbie Land pour « prendre le pouvoir sur les Barbie ».
Et c’est tellement dommage, car le film s’évertue tellement à décrire une société patriarcale absolue qu’il en oublie toute nuance, en présentant des hommes omniprésents à la société Mattel, qui vont poursuivre Barbie pour la « ramener dans la matrice » (Will Ferrel, ridicule au souhait), ou des hommes effacés (comme Alan ou le compagnon de Gloria). Même si le film semble effleurer que le concept de patriarcat puisse « opprimer » des hommes, le film réduit la question féministe à une vision bien cantonnée (et manichéenne) à la côte ouest branchée des USA
S’ensuit alors le retour de America Ferrara, que j’avais pas vu depuis Ugly Betty, dans le rôle de Gloria, la propriétaire de « Barbie » dans le monde réel, qui va accompagner Barbie dans Barbie Land. Et nous arrivons alors au coeur du problème du film, qui va étirer pendant 40 bonnes minutes la reprise du pouvoir des Barbie aux « méchants » très « méchants » Ken masculinistes, qui regardent le parrain, boivent des bières, « soumettent » les Barbie désormais lobotomisées en tenue légère.
J’ai trouvé cette partie très discutable dans son fond, avec des assertions, des raccourcis limites. A aucun moment le film n’esquisse l’idée d’une société où Ken et Barbie pourraient vivre ensemble. Le film les oppose constamment, et se termine sur ce qu’on nous présente comme étant « le bien », à savoir le retour à la société matriarcale à Barbie Land, avec un tout petit peu, mais juste un tout petit peu, plus de droits pour les Ken.
Le film se termine avec Barbie qui rejette définitivement Ken, pour devenir une vraie femme, et comme elle devient une vraie femme à Los Angeles, elle a donc désormais un vagin, et donc la première chose qu’elle fait c’est d’aller au gynécologue. Ça fera 14 euros, merci au revoir. En résumé, film qui a une forme très sympa, avec une bonne OST, et un fond que je trouve très discutable voir limite, malgré 2-3 bonnes idées par moment. C’est pas un navet, mais c’est pas un film que je montrerai à des enfants, c’est certain. Le film n'est décidément pas fait pour eux.