Barbie: Poupée dégonflée, scénario gonflant

Un désastre qui confond féminisme et promotion de jouets, le film co-produit par Mattel, se lance dessus avec une telle absence de finesse qu'on se demande si c'est de l'audace ou de l'ignorance. 

L'histoire souffre d'un vide béant, laissant une vague impression que les scénaristes s’étaient déjà mis en grève avant l’écriture du film. Certes, nous avons affaire à des caricatures, mais cela n'exonère pas les créateurs de leur devoir de finesse. Rien dans ce film ne respire la nuance, tout y est aussi brut et subtil qu'une enclume. 

Barbie traverse une crise existentielle mal intégrée à l'intrigue, qui n'apporte aucune épaisseur à son personnage. Son évolution, à peine perceptible, nous laisse indifférents, se balançant entre son univers idéalisé et le monde réel sans provoquer le moindre changement significatif. Ah si, pardon. Madame y gagne un vagin. 

Quant à Ken, son personnage est une farce sans relief, une caricature de l'imbécile joyeux qui devient un imbécile larmoyant sans transition ni développement convaincant. Ken demeure un bouffon du début à la fin. Il dit qu'il peut vivre sans Barbie, mais ne trouve jamais de véritable trait de personnalité tout au long du film. Si son évolution vers un pleurnichard est supposée être un arc de personnage, c'est raté. Ça ne fait pas de lui un personnage que l’on a envie de suivre plus de quelques minutes, encore moins une heure cinquante quatre. 

L'humour du film est aussi plat qu'une limande. Même si les personnages sont des caricatures, cela ne devrait pas entraver la possibilité d'un comique subtil et intelligent. Les tentatives d'humour ne déclenchent que des soupirs, et non des rires. 

Quant au discours féministe du film, s'il est en théorie admirable, il est en pratique exécuté avec la grâce d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ainsi, que fait Barbie une fois devenue "une vraie femme" ? Elle se précipite chez le gynécologue pour explorer son nouveau vagin. Cela discrédite totalement le propos initial du film. 

Et quel est l'objectif final de ce film ? Convaincre le public ? Si tel est le cas, la maladresse de son argumentation ne persuade personne. Mais clairement, le film ne s’adresse pas aux petites filles. Cependant, il vous parle comme si vous l’étiez. C’est agaçant lorsque les gens vous parlent comme si vous étiez un bébé ou un demeuré ? C'est exactement ce que vous vivez pendant près de 2h. 

En termes d'esthétique, ce film n'a rien d'innovant à offrir. Les décors, bien que corrects, n'évoquent aucune admiration particulière. Le monde de Barbie est reproduit avec fidélité, mais cela ne devrait pas être une surprise étant donné la co-production avec Mattel. Si en plus ils n'arrivaient pas à produire une représentation décente à taille réelle de leur propre jouet, je ne sais pas quoi faire pour eux. Et fidélité à l'original n’est pas une avancée révolutionnaire.  Les plans et le montage sont d'une banalité déconcertante. Rien ne vous marque l'esprit. C'est correct, mais cela n'offre aucune originalité. C'est comme un plat sans assaisonnement. On comprend ce qui se passe à l’écran. Mais c’est le minimum qu’on attend d’un film. 

Barbie ressemble à une publicité pour Mattel à peine voilée, et encore, une publicité de piètre qualité. Il n'est pas inhabituel qu'un film serve à promouvoir des produits dérivés, mais ici, l'essai de dissimulation sous un discours mal conçu et gauchement déployé rend la chute encore plus spectaculaire. Oui, Barbie était un jouet 'moderne' en son temps, n'étant pas confinée dans un rôle conventionnel comme d'autres poupées. Mais ne nous leurrions pas, la standardisation des corps était bien présente. Tenter une mue en s'affichant comme féministe relève de l'artifice maladroit et d'un cynisme déconcertant. 

Au final, "Barbie" est un film qui ressemble trop au jouet qui l'a inspiré : plastique, creux, décevant. C'est une énorme pub pour Mattel, camouflée par un message féministe confus et insincère. Un échec complet qui ne mérite pas le temps que vous lui consacreriez. Alors, si on doit tirer une leçon de ce film, c'est que même Barbie mérite mieux.

Faust_
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le 7 août 2023

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