Be With Me
6.7
Be With Me

Film de Eric Khoo (2005)

Le titre est particulièrement explicite. Ce film venu de Singapour et présenté à la quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes en 2005 montre le besoin de chaleur humaine éprouvé par les uns et les autres. Un besoin difficile à satisfaire et pour lequel on s’investit en communications diverses. Message à portée universelle.

La première partie est assez désespérante. On y fait la connaissance des personnages choisis par le réalisateur, Eric Khoo. Quasiment aucun dialogue, ce qui est révélateur. D’ailleurs, le film débute avec un homme qui ferme la grille de sa boutique. Dans ce monde où tout peut arriver, on se méfie et on se replie sur soi. Résultat, on se retrouve à communiquer avec les moyens qu’on a à sa disposition : Internet et téléphone (SMS), notamment pour deux jeunes filles qui tentent un rapprochement. Le langage est très important (là-bas aussi l’usage du langage SMS se banalise). Autre point important concernant le langage, là-bas le cantonais et l’anglais coexistent. De plus, le film présente une femme qui est devenue sourde et aveugle. Pour communiquer, elle a appris à utiliser le braille et le langage des signes faits sur la main. Cette femme écrit en puisant dans ses souvenirs. Elle tape à la machine (une vieille machine où elle ne réalise pas que la première lettre de chaque ligne est décalée en hauteur) et fait traduire son œuvre. On a aussi un vieil homme qui vit dans ses souvenirs, sa femme est morte alors qu’elle ne pouvait plus parler. Enfin, on a un homme qui voudrait rédiger une belle lettre d’amour.

La recherche d’amour et plus généralement de chaleur humaine, c’est ce besoin de partager qui passe par l’écrit parce qu’on peut alors dire tout ce qu’on a sur le cœur. Encore faut-il que le message soit pris en considération. Heureusement, la deuxième partie vient éclairer le film… grâce au personnage le moins apte a priori pour communiquer. Cette femme sourde et aveugle est enseignante. Elle parvient non seulement à communiquer mais aussi à transmettre un véritable savoir-faire. La façon dont le réalisateur nous la présente est particulière, puisqu’on la voit d’abord taper à la machine de belles phrases d’amour. On réalise ensuite quelle personne les lui inspire. Puis, sa biographie défile en sous-titres pendant qu’on la voit vivre. La communication s’établit donc vis-à-vis du spectateur. Enfin, on voit les choses évoluer à partir de son action. La difficulté à communiquer entraînera son lot de conséquences. On termine le film avec l’agréable sensation que tout n’est pas perdu, surtout que le déclic vient de cette personne qu’on pouvait imaginer complètement isolée. Eh bien non, ce sont les autres qui sont chacun enfermé dans sa bulle. Elle, vit ses handicaps plutôt bien.

Un film qui se révèle progressivement, un peu comme on comprend les richesses et subtilités d’un langage à force de le pratiquer. Plus on avance dans le film, plus on réalise que les handicaps physiques peuvent être surmontés. Ce film intimiste montre la difficulté à communiquer. J’aurais néanmoins apprécié que le réalisateur montre davantage pourquoi on en arrive là. Peu de situations familiales ou de travail, surtout dans la première partie. Quelques plans de l’ensemble de la ville ne suffisent pas à montrer son ambiance réelle. Mon attention tendait à se relâcher quand le personnage de Teresa Chan a capté mon intérêt. La mise en scène est de qualité, sans effets tapageurs. Quant aux interprètes, ils sont irréprochables, mais je n’en connaissais aucun. Ce qui ressort bien entendu c’est Teresa Chan dans son propre rôle, figure inoubliable (la jaquette du DVD présente le film comme « mêlant subtilement fiction et documentaire »).

Belle leçon d’humanisme, ce film est une fenêtre ouverte sur Singapour et plus particulièrement sur une personne (biographie non publiée de Teresa Chan, personnage réel qu’on n’oubliera pas de sitôt). Une belle découverte.
Electron
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Cinéma asiatique "moderne" et Mon Top 15 des films de 2005

Créée

le 1 mai 2013

Critique lue 840 fois

20 j'aime

4 commentaires

Electron

Écrit par

Critique lue 840 fois

20
4

D'autres avis sur Be With Me

Be With Me
Minimus
3

Critique de Be With Me par Minimus

Le film, donc, j'en attendais beaucoup. Mais il est (trop) maladroit. La mise en scène est tout juste moyenne (oui il y a de beaux plans, oui la photo est jolie, mais ça ne fait pas tout) : la...

le 3 janv. 2011

4 j'aime

3

Be With Me
EricDebarnot
9

Un OVNI

"Be With Me" est le genre de film miraculeux dans lequel on s'immerge, progressivement englouti par la beauté et la générosité d'un cinéma qui ose les paris les plus risqués et les gagne tous, un par...

le 26 mars 2017

2 j'aime

3

Be With Me
denizor
8

Critique de Be With Me par denizor

Be with me est un film de prime abord difficile à appréhender : un récit éclaté, une suite de saynètes suivant différents personnages sans rapport entre eux, une absence totale de dialogue ou...

le 21 nov. 2018

1 j'aime

3

Du même critique

Un jour sans fin
Electron
8

Parce qu’elle le vaut bien

Phil Connors (Bill Murray) est présentateur météo à la télévision de Pittsburgh. Se prenant pour une vedette, il rechigne à couvrir encore une fois le jour de la marmotte à Punxsutawney, charmante...

le 26 juin 2013

111 j'aime

31

Vivarium
Electron
7

Vol dans un nid de coucou

L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes...

le 6 nov. 2019

78 j'aime

4

Quai d'Orsay
Electron
8

OTAN en emporte le vent

L’avant-première en présence de Bertrand Tavernier fut un régal. Le débat a mis en évidence sa connaissance encyclopédique du cinéma (son Anthologie du cinéma américain est une référence). Une...

le 5 nov. 2013

78 j'aime

20