Souvent dans mes critiques je l’invoque et je le nomme.
Je le présente régulièrement comme un absolu, un idéal.
Le cinéma.


Parler de cinéma, c’est vouloir parler au-delà du simple film.
C’est ne pas se contenter de simples images qui bougent et d’une histoire racontée.
Parler de cinéma, c’est chercher à observer et questionner la technique, ou plutôt devrais-je dire c’est chercher à observer et questionner toutes ces techniques qui font qu’à un moment donné l’artifice se met en mouvement.
Or ce qui m’ennuie avec ce Belfast de Kenneth Branagh c’est que c’est certes du très beau cinéma – vraiment – mais qu’à aucun moment je ne l’ai senti se mettre en mouvement.


Car oui – et difficile de passer ça sous le tapis – techniquement parlant Belfast c’est vraiment du très beau cinéma.
Très belle(s) photo(s) tout d’abord. Forcément.
Visages expressifs, acteurs impeccables.
Goût consommé du cadre élégant, et cela pour chaque plan.
La seule introduction de cette rue où tout se passera sent le cinéma par tous les pores, que ce soit par la mise-en-scène que par le cheminement du plan-séquence.
Ah ça oui : c’est beau.


Seulement voilà c’est beau mais, en ce qui me concerne, Belfast a aussi été pour moi un film inerte.
Témoignage manifeste d’une enfance passée en Ulster, l’œuvre a beau être chargée du vécu de l’auteur qu’elle peine à sortir de la simple démonstration.
On pose les unes après les autres toutes les situations. On explicite régulièrement – et sans délicatesse – les choses par le verbe comme par l’image. Et puis surtout on n’a pas peur de forcer le trait, quitte à l’appuyer, le surappuyer, puis le sur-surappuyer.
Peu subtil dans son démarche, peu profond dans son propos, Belfast est souvent amené à tourner sur lui-même pour rappeler sans cesse les mêmes choses, et cela sans vraiment parvenir à faire véritablement évoluer les choses.


Etonnamment, en sortant de ce film, j’ai été partagé entre un sentiment de spectacle totalement factice et de fable aseptisée.
Au fond, j’ai eu l’impression de retrouver dans ce film tout ce que Kenneth Branagh représente à mes yeux comme auteur, voire comme personnage.
Elégant, sophistiqué, bel-homme à n’en pas douter…
…Mais malgré la préciosité du verbe peu de choses finissent par être dites ; du moins peu qui puisse être considéré comme signifiant ou impactant.


C’est triste à dire mais c’est toujours cette impression-là que me laisse Kenneth Branagh et son cinéma : un bel écrin qui n’a jamais su se mettre au service d’une réelle acuité d’auteur.
Ça m’agacerait presque parce qu’au moment du tombé de rideau, juste après sa dédicace « à ceux qui sont restés, à ceux qui sont partis, et à ceux qu’on a perdus », j’aurais aimé être ému. Cette histoire d’enfance, ces personnages dans lesquels il a su parfois insuffler un peu de vrai, ces talents d’acteurs, aurait dû éveiller quelque-chose en moi ; en tout cas quelque-chose de plus que ce classicisme académique assez bête et conventionnel.
Après peut-être que d’autres sauront y trouver davantage que moi.
Mais que voulez-vous, c’est aussi ça l’embarras d’autant aimer le cinéma.
Quand un décalage comme celui-là, entre le beau et le mouvant, se fait sentir,
On s’en retrouve forcément impacté, pour le meilleur comme pour le pire…

Créée

le 6 avr. 2022

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