Je t'aime, mais je ne suis plus amoureux de toi

Belleville Tokyo est l'histoire d'un couple qui plie, mais ne rompt pas. Une rupture qui s'éternise mois après mois, le couple se déchire, mais est incapable de se séparer. La situation se complexifie à mesure que le bébé que porte Marie (Valérie Donzelli) prend une place importante dans leur vie, où Julien (Jérémie Elkaïm) se sent menacé. Le film traite assez subtilement de l'arrivée d'un bébé dans un couple, qui plus est déjà en crise. Leur amour est plus que bancal : Julien dira à Marie dès les premières minutes du film : « Je t'aime, mais je ne suis plus amoureux de toi ». Lors de leur « rupture », la présence de l'un fait du mal à l'autre (notamment à travers le bébé qui rappelle constamment l'être aimé) et l'absence provoque le manque (scènes contemplatives où Marie regarde à la fenêtre comme pour guetter le retour de Julien). Élise Girard effleure du bout des doigts une sensibilité du couple par des mots et des gestes qui gênent, exploite également la véritable union entre Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm qui est touchante à plus d'un égard, pouvant faire penser lors des scènes de disputes et de réconciliation, à celles présentes dans les films de Cassavetes (Faces, Une femme sous influence). La réalisatrice n'arrive pourtant pas à dépasser une certaine complaisance du film d'auteur français : un couple de bourgeois parisiens composé d'une femme employée dans le cinéma Grand Action et d'un homme critique de cinéma et poète à ses heures perdues. Le film fait aussi référence à une cinéphilie « Nouvelle Vague » : on y voit un extrait de L'Innocent de Luchino Visconti (1976) ; on y voit les affiches de films de Fellini, Lubitsch, Jarmusch, Hitchcock ; on y entend à demi-mots la chanson Ne dis rien de Serge Gainsbourg et Anna Karina, muse de J.L.G ; le personnage de Julien est quant à lui inspiré d'Antoine Doinel, un amoureux indécis. Tokyo sera une échappatoire fictive pour son rêve inachevé, L'Innocent reflétera une réalité, celle de la peur de l'enfantement, des responsabilités parentales à venir qui hante Julien au point de choisir le film de Visconti où le père abandonne finalement son bébé. Les films du « bébé de la discorde » comme Un heureux événement (Rémi Besançon, 2011), 17 filles (Muriel et Delphine Coulin, 2011) ou encore La Guerre est déclarée (2011) qui pourrait être une suite de Belleville Tokyo réalisée par Valérie Donzelli ont proposé une nouvelle analyse de la maternité, du statut de parent et du rapport de la gestation au couple. Le point culminant est ici atteint lors d'un repas entre amis qui dégénère où l'agressivité canalisée par Julien explose tout à coup, mais est contrebalancée par le fait qu'il s'agisse de la dernière scène du film. Pas d'aboutissement qui aurait pu être constitué par l'accouchement de Marie, avec ou sans Julien, pour le meilleur ou pour le pire. Une fin « dégueulasse » surtout alors que la tension culmine dans le couple et que Marie acquiert une certaine indépendance marchant seule dans la neige portée par les nappes sonores de Bertrand Burgalat.


Ma critique de la bande-originale composée par Bertrand Burgalat

CharlieVenco
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le 28 mars 2022

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CharlieVenco

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