Big
6.6
Big

Film de Penny Marshall (1988)

Josh Baskin, l'american kid par excellence (fan de jeux vidéo et de base-ball), frustré de n’être encore qu’un gamin dont les désirs sont étouffés par son jeune âge, se retrouve coincé dans le corps d’un homme de trente ans (Tom Hanks) après avoir fait un vœu dans une fête foraine. Avec l’aide de son meilleur ami Billy, il quitte le New Jersey pour Manhattan où il trouve un job à la MacMillan Toy Company ; il y rencontre Susan (Elizabeth Perkins), une collègue intriguée (et séduite) par l’allure et le comportement infantile du nouveau venu…

Le film commence sur un tempo assez lent, presque contemplatif ; on découvre par petites touches impressionnistes de quoi est faite la vie de Josh, quelles sont ses préoccupations. La poursuite de l’action s’engage de manière plus précipitée (on se retrouve à New York sans trop savoir comment et pourquoi), mais cette accélération étrange n’est pas inintéressante : l’histoire de Josh progresse, va de l’avant, à son propre rythme.
Penny Marshall hésite : elle ne semble pas savoir quel aspect et quelle tonalité donner à son film. "Big" ressemble le plus souvent à une comédie des années 40 (le personnage joué par Elizabeth Perkins semble tout droit sorti d’un film d’Howard Hawks ou de George Stevens; son look rappelle celui de Rosalind Russel dans "La dame du vendredi" et de Katharine Hepburn dans "La femme de l’année")…une comédie qui lorgnerait vers le fantastique et la chronique sociale. A vouloir mélanger des genres qu’elle ne maîtrise pas complètement, la réalisatrice échoue à donner une unité à son œuvre.
A partir du moment où Josh devient vice-président de la boîte dans laquelle il travaille, le film devient une fantaisie à la Frank Capra, c’est-à-dire très puérile et facile (le gentil et naïf héros face à l’hostilité des requins obtus du monde des affaires ; son innocence lui permet d’accéder rapidement au sommet de la hiérarchie). Les conflits de conscience du protagoniste sont résolus de manière trop conventionnelle (Josh réalise qu’il s’est fait peu à peu dévorer par le système, et qu’il souhaite revenir au stade plus insouciant de l’enfance).
Penny Marshall ne profite pas au maximum des possibilités que lui offre un tel sujet. Le duo Josh/ Billy fonctionne relativement bien, mais une plus grande complicité entre les deux acteurs aurait été bénéfique.

Il y a deux séquences absolument brillantes qui marquent l’esprit: la première nous montre la visite de Josh au FAO Schwarz, le plus vieux magasin de jouets de New York sur la 5ème Avenue: il y passe un bon moment avant de tomber sur son patron (Robert Loggia), avec qui il entame un duo sur un piano électronique géant.
La seconde se situe à la toute fin du film, après que Susan a découvert la vérité sur Josh : la jeune femme le ramène en voiture, chez lui ; elle le regarde s’éloigner vers son foyer, détourne les yeux un instant et, lorsqu’elle le cherche à nouveau du regard, il est redevenu un garçon de treize ans, qui nage dans un costume d’adulte trop grand pour lui. C’est une scène qui épate par sa simplicité, par l’économie de ses effets et par la beauté de sa mise en scène et de son montage : la technique est ici entièrement au service de l’émotion.

Il faut par ailleurs reconnaître un grand mérite au scénario de Gary Ross et d’Anne Spielberg : celui de n’avoir pas esquivé l’aspect sexuel de la relation qui naît entre Josh et Susan. L’identité première de "Big" (une production américaine destinée à un large public) laissait présager un certain puritanisme hypocrite qui a heureusement été écarté pour rendre l’ensemble plus crédible et plus fort. Les préliminaires (où l’on voit Josh toucher délicatement la poitrine de Susan…une première pour lui) sont filmés avec tellement de grâce et de subtilité que l’on oublie tout ce qui pourrait détourner notre regard de ce couple à priori mal assorti.

Le film a des fulgurances comiques : le plan sur Josh grignotant un minuscule épi de maïs, seul au milieu d’une foule de mondains au beau milieu d’une soirée de gala, ou encore la séquence dans laquelle il ramène Susan dans son loft pour la première fois : la jeune femme est abasourdie par la décoration de l’appartement, uniquement meublé d’un panier de basket, d’un flipper, d’un distributeur de boissons fraîches et de…deux lits superposés. L’autonomie nouvellement acquise de Josh, la vie indépendante qu’il mène à la ville est axée en permanence sur le potentiel ludique de ce qui l’entoure, sur l’expérience grandeur nature d’un fantasme d’enfant ; il entraîne sa compagne de jeu dans une tonique partie de trampoline.

On s’éloigne peu à peu du personnage car ses émotions ne sont pas complètement mises à notre portée ; le film ne nous fait pas adopter le point de vue de Josh, mais toujours celui de son entourage, face à lui…Il devient par moments un étranger. Cette absence d’identification avec le personnage arrive par instants à porter ses fruits (on comprend ce que Susan voit en Josh, on parvient à saisir les raisons qui l’attirent vers lui).

La résolution de l’histoire d’amour est peu convaincante, presque insignifiante. Le film se termine comme si rien ne s’était passé entre le début et la fin, ce qui est déstabilisant mais qui, paradoxalement, donne à l’aventure de Josh une dimension onirique et irréelle.

Une œuvre en demi-teinte, qui ne répond pas totalement à nos attentes mais qui parvient néanmoins à nous surprendre.
Frankoix
6
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le 17 nov. 2012

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Frankoix

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