Après Ed Wood, Tim Burton revient pour la seconde fois au biopic avec Big Eyes, l'un des films les plus mésestimés du réalisateur. Pourtant, il correspond sur pas mal de point à tout ce qu'il y a de bon dans sa filmographie. Pourquoi Big Eyes fait parti des bons films du plus marginal des cinéastes d’Hollywood ? Décortiquons-le ensemble.


Dès le générique, on voit des copies d'une toile avec une enfant aux grands yeux. Un style expressionniste qui n'est pas si éloigné des yeux des protagonistes de Burton (le maquillage des yeux de Beetlejuice et du Pinguoin, les lunettes d’Ichabod Crane et de Willy Wonka) ainsi que ses croquis dont la particularité de certains est cette disproportion au niveau des yeux.


Premier plan du film, on aperçoit la banlieue avec maison et jardin que l'on a pu voir dans ses précédents longs-métrages (et qui fait écho a son enfance à Burbank). S'ensuit le personnage de Margaret Keane qui s'apprête à quitter le domicile conjugal avec sa fille. Une femme divorcée et artiste peintre dans les années 50 représente la marginalité qui caractérise les personnages Burtonnien.
Nous avons donc en moins de 2min les éléments de l'univers du cinéaste. Pas de doute, nous sommes en terrain connu !


Vous me direz pourtant que l'on ne retrouve pas son esthétique gothique ni ses étranges personnages. En effet, au niveau des couleurs, on se rapproche plus d'un Big Fish que de Beetlejuice ou Batman. Cependant, cet esthétisme coloré est en adéquation avec la base même du film : la peinture. Ce qui m'amène à aborder la photographie, certains passages font penser à des toiles. Par exemple, l’un des plans au début du film dans lequel Margaret conduit sur une route de campagne sous un ciel bleu, un espace vert, qui rappelle la peinture d'un paysage. Lorsqu'elle se rend à Hawaï le plan qui introduit cette scène donne lui aussi le sentiment de contempler une œuvre d'art.


La réalisation de Burton n'est pas en reste, celui-ci fait preuve d'ingéniosité pour rendre son biopic captivant. Prenons comme exemple cette scène dans le magasin dans lequelle Margaret hallucine et donne l’impression d’être prisonnière de sa propre création. Le cinéaste sait également passer avec aisance du genre comique vers des moments plus dramatique. Il se permet même le temps d'une scène de toucher à l'horreur qui n'est pas sans rappeler Shining de Stanley Kubrick.


Cette mise en scène est sublimée grâce aux performances des deux acteurs. Amy Adams de part la sobriété de son interprétation apporte beaucoup de sensibilité à son personnage. À contrario Christoph Waltz abreuve Walter Keane de toute sa palette d'acting. Il passe avec une facilité déconcertante de l'élégance, du charme et de la manipulation a l'excentricité, la comédie jusqu'à l'état colérique voir psychotique. L'apothéose de son jeu est parfaitement retranscrite lors de la scène du tribunal où il fait totalement le show. Deux interprètes s'exprimant dans un registre totalement opposé, mais dont la complémentarité donne un plus indéniable a l'œuvre. Si visuellement comme je le dis plus haut le film fait référence à la peinture, l’intrigue et les thématiques abordées sont essentiellement centrées sur le couple.


Je terminerai en disant qu'effectivement, on ne retrouve pas la magie qui faisait le sel des plus grands films de Tim Burton, bien qu’entre nous, je ne l'avais pas ressenti non plus dans Ed Wood.
À mon avis c'est en parti le genre en lui-même qui impose certaines contraintes et empêche le cinéaste de créer cet élément qui peut transcender ses œuvres comme le fait d’avoir des personnages surréalistes, aucun dans Big Eyes sort physiquement de l’ordinaire.


Malgré son manque de noirceur gothique, de magie et d’une bande-originale mémorable de la part de Danny Elfman, Big Eyes conserve les autres critères qui ont fait le succès de Burton pendant presque deux décennies, des caractéristiques que les spectateurs ont l'air de bouder aujourd'hui.

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le 13 nov. 2017

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Chris Tophe

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