Bird Box
5.8
Bird Box

film de Susanne Bier (2018)

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Une belle cage ne nourrit pas l'oiseau

Avertissement : cette critique dévoile des éléments importants de l'histoire.


Le propre d'un bon livre ou d'un bon film est d'être "compact" : il propose un univers, des personnages, des symboles et une histoire, qui tous convergent vers un propos. Par exemple, dans le film Orange Mécanique, tout sert à creuser la question de ce qu'il est possible (ou non) et souhaitable (ou non) de contrôler socialement chez les individus.


En ce sens, Bird Box est un beau naufrage. Le personnage principal est une femme enceinte qui éprouve des difficultés à se projeter dans sa maternité. Bien. Le contexte est celui de créatures sorties d'on ne sait où, et qu'il ne faut pas regarder au risque de voir sa santé mentale gravement atteinte. Ah euh... D'accord, je comprends l'idée de départ que l'héroïne ne veut/peut pas voir quelque chose en elle, qu'elle a un angle mort. Et je suppose donc que cette histoire de ne pas pouvoir voir des éléments extérieurs est intimement lié à cette thématique ? Mais non : voir = devenir maboul, et de plus, tout le monde est logé à la même enseigne, homme ou femme, jeune ou vieux, enceinte ou non. Bref, osons dire l'indicible : cette histoire de créatures est juste un contexte.


Ca part mal. Je sens que l'on est en train de verser dans le divertissement de bas étage. Allez, c'est pas grave, au moins on ne va pas trop se casser la tête et on va avoir de l'action. Ô bel optimisme !


Car voyez-vous, la première moitié du film prend tout son temps pour nous inflig... nous proposer un message social : d'un côté il y a les bons (les femmes délaissées par leur mari et de préférence enceintes, les handicapés, les minorités ethniques, les homosexuels, les modestes employés, les artistes) et de l'autre les gros balourds pas du tout sympas (les hommes blancs de préférence commerciaux, la police). Bref, le cahier des charges netflixien habituel, au dixième tampon vous avez droit à la carte du parti communiste gratuite. Allez, je suis médisant, il y a une petite nouveauté, fugace mais bien là : il y a aussi d'un côté les gens qui savent (les gens modestes qui se documentent sur Internet et qui s'auto-éditent) et de l'autre les gens dépassés par leur environnement (ceux formés au savoir universitaire ou à la géo-politique). Ah, tout ceci est bien subtil, mais surtout ne devrait occuper une place aussi envahissante car on s'éloigne beaucoup trop de la problématique initiale.


Bref, on se retrouve avec un film écartelé entre un contexte attractif pour le spectateur pas trop exigeant (faut pas regarder des bêbêtes, ça va être ouf malade cette histoire !), une héroïne dont l'auto-questionnement va et vient au gré de la fantaisie des scénaristes, et un furieux désir de propagande politique qui colmate le tout comme un joint au mastic fait un soir de cuite.


Cependant, cependant, il y a tout de même un beau moment. Celui où l'héroïne doit choisir un enfant sacrifiable entre son fils et sa fille adoptive. Enfin un dilemme puissant, déchirant, qui ne laissera personne indifférent. Enfin un vrai rapport avec la situation de départ. Au bout des deux tiers du film, il était temps ! On notera que cet instant clé aurait très bien pu être obtenu avec un contexte beaucoup plus sobre que celui d'une invasion de monstres (issue probablement de l'imagination du petit neuveu du perchiste), ou même si l'on tient à conserver du fantastique, avec celui d'un dilemme sacrificiel posé par un antagoniste tout puissant (comme dans X-Files où chaque personne en contact avec les aliens doit leur donner un enfant ; ou comme dans King's Betrayed de Deborah Chester dans lequel un roi doit choisir entre donner son âme ou sa fille à un sorcier). Avec dans ce second cas, la force dramatique de l'inéluctable (contrairement à Bird Box où le choix est finalement vite évacué par une autre stratégie).


Au final, tout ceci n'est pas terriblement convainquant... Je met 3/10 pour saluer quelques efforts dramatiques ponctuels, et le film n'est quand même pas bâclé, sa réalisation est soignée. Mais le script est un pot-pourri qui manque de sérieux. D'où le titre de ma critique.

Ptyx
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le 11 mai 2019

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Ptyx

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