L'histoire de Birds of Prey s'écrit toute seule. Rembobinons un peu.
Août 2016 : Suicide Squad fait un carton mais se fait bombarder par la critique. Un carnage. Une seule rescapée : Margot Robbie (Harley Quinn). Pourquoi ne pas lui confier un film solo ?
Juin 2017 : Wonder Woman sauve la mise du DCEU (Univers cinématographique DC), et démontre que les femmes ont aussi leur place en tête des grosses productions. Tous les regards convergent vers une certaine Harley.
Octobre 2017 : l'affaire Harvey Weinstein défraye la chronique et le hashtag #metoo devient un élément de langage à vitesse supersonique. Avec ce symbole, c'est toute la société qui est invitée à se pencher sur la condition féminine. Pris directement pour cible, Hollywood aura beaucoup à faire...Harley est dans les starting blocks.
Avril 2018 : la foldingue en tenue d'arlequin a droit à son film. Écrit par Christina Hodson, réalisé par Cathy Yan et toujours Margot Robbie devant la caméra.
L'introduction en forme de récap' était nécessaire, puisque Birds of Prey est ouvertement une œuvre d'émancipation. À deux niveaux.
Le Joker ? Mentionné mais jamais montré. Pareil pour le reste, les références sont si discrètes qu'on en oublierait presque Suicide Squad de David Ayer (si seulement). Le triomphe du récent Joker a démontré que le public se montre tout aussi réceptif aux tentatives indépendantes. Alors le long-métrage consacré à H. Quinn tente l'entre-deux : ni indépendant ni accessoire.
Comme de juste, le film trouve une certaine saveur dans sa thématique et ce qu'il en fait. Conçu comme un pur délire régressif, Birds of Prey confronte ses héroïnes (toutes bien caractérielles) à des mâles alphas sournois, violeurs ou assassins. En coupant la chaine qui les relie à leurs geôliers, le message est on ne peut plus clair. On ne demande pas la liberté, on l'exige. À leur façon (à coups de bastos ou de tatanes) les personnages féminins l'obtiennent. Et il faut avouer que ces séquences sont plutôt réussies. Parfaitement lisibles, extrêmement colorées, et parfois sacrément jubilatoires; Cathy Van joue à merveille avec les défis posés par les lieux et personnages. On tient l'un des films DCEU les plus aboutis esthétiquement. Devant la caméra, c'est également tip-top.
Margot Robbie déploie une énergie phénoménale pour donner vie à son Harley Quinn, et ça marche du tonnerre. La quatuor de choc qui l'accompagne est solidement incarné par Mary Elizabeth Winstead, Jurnee Smollett-Bell, Rosie Perez et Ella Jay Basco. Enfin, Ewan McGregor part en bon cabotinage avec Roman Sionis / Black Mask.
C'est vrai qu'avec toutes ces bonnes choses, on pourrait se dire qu'on tient une pépite. Ce serait oublier que devant le sous-texte, en priorité sur les personnages, il y a tout simplement l'histoire. Et elle pose deux problèmes. Ce qu'elle raconte n'a fondamentalement aucun intérêt ni aucune crédibilité (cf. la scène de l'attaque du commissariat) . Et la manière de la narrer évoque la copie carbone d'un autre film de super-héros, à savoir Deadpool. Voix-off, narration barrée, flash-back dans le flash-back, gravité zéro. À ce niveau de similitude, on tient plus du plagiat que de l'hommage.
Et c'est embêtant puisque le modèle n'était déjà pas une référence...Certes, c'est moins vulgaire et c'est mieux réalisé, néanmoins Birds of Prey ne propose strictement rien. Ôtez le contexte sociétal, et il ne reste qu'un nanar bien emballé.
Bien mieux qu'un Suicide Squad (soyons sérieux), mais parfaitement à sa place dans la moyenne déjà bien moyenne du genre à l'heure actuelle. Hors, ce dont il a besoin c'est justement de se faire secouer les puces avec des histoires réellement originales ou à défaut racontée originalement.