Dans le genre cliché qui parasite le cinéma moderne, celui de la femme forte qui a connu une forte expansion suite à l’affaire Weinstein, doit être l’un des plus représentatifs des problèmes qu’on peut prendre en compte dans les grosses productions modernes. Sauf qu’une bonne partie du temps, les producteurs et les têtes pensantes derrière ce film se focalise sur la forme et sur une recette presque toujours unique pour "valoriser" cette image : celle d’une bad-ass woman prêt à foutre une déculotté à des bad guys et à lancer de la punchline tout en voulant gagner son indépendance voire même provoquer faussement son auditoire avec un look vestimentaire alors qu’au contraire, cette image est plus rabaissant et puéril que valorisant et montre que ça n'est rien de plus qu'un mauvaise mode.


Et hélas pour nous, la dépouille continuellement exploité du DC Universe se retrouve ici prisonnière de cet archétype aussi sophistiqué que la défense critique prétendument construite mais suintant la beauferie et l’inculture d’un certain Durendal une fois analysé posément. L’énorme arnaque Suicide Squad qui a été boudé par la critique et le public, a vu uniquement Harley Quinn avoir un gain de fanbase minimum. Et donc, Bird of Prey tente de faire vivre la célèbre partenaire du Prince du Crime de Gotham en espérant que sa figure populaire permettra de porter ce film de super-vilaines ou d’antihéroïnes sur ses épaules et de prolonger un temps soit peu la durée de vie de l’écurie sur le grand écran.


Malheureusement, un miracle comme Joker ne se reproduit pas deux fois d’affilé et la promo tapageur qui entoure ce film ainsi que l’omniprésence de son héroïne vont vite ruiner à jamais les infimes espérances de ceux qui s’entêtaient à y croire.


L’introduction avec Harley Quinn en narratrice et en animation (qui est l’unique passage vraiment sympathique du film soit-dit au passant, sans rire pourquoi entre ça et Pierre Lapin seuls les passages animés ont un semblant d’âme ?) est la première grosse pustule de ce Suicide Squad en mode girl power. Outre le résumé, toutes les interventions en voix-off de l’arlequine serviront de prétexte à flash-back, background excessif des autres rôles féminins tel que Renée Montoya, Cassandra ou The Huntress, et de mise à jour sur l’intrigue. Sauf que cette forme de narration s’en retrouve sabotée pour deux bonnes raisons.


La première : comment sommes nous censés nous intéresser aux autres rôles si la seule à en parler est une super-vilaine qui n’en est plus une en plus d’être aseptisée, et que celle-ci ne montre aucun attachement envers ces autres rôles ? Ni même un réel intérêt autre que sa survie ou son profit ? Sa relation avec Cassandra parle d’elle-même puisque le film n’a aucune confiance en ses images ou ses personnages et se repose sur la voix de Margot Robbie (et la dynamique Dorothée Pousséo en VF) pour créer du lien alors qu’en l’occurrence, aucune actrice ou personnage ne montre d’alchimie sincère entre elle.


La seconde : je ne sais pas ce que vaut le boulot de Cathy Yan en dehors de ça, mais ici on retombe ici dans le même travers que Deadpool à utiliser le brisement du quatrième mur pour raconter une histoire décousue de bout en bout. Le film n’a aucun sens du montage ou du découpage et présente les rôles féminins avec un désordre anarchique ahurissant et des flash-back trop long pour qu’on puisse rentrer dans le vif de l’action une fois revenu au présent. L’importance des rôles est si mal équilibrée entre les membres du futur quintuple que ça dissone en continue.


Montoya se retrouve éclipsée après les 50 premières minutes jusqu’au dernier tiers, The Huntress n’a rien pour la caractériser à part sa vendetta personnelle et le fait que Mary Elisabeth Winstead se retrouve encore dans un mauvais projet comme à son habitude, Cassandra est quasiment réduite au rôle de récompense et d’aimant à emmerde et enfin Black Canary abandonne l’idée d’être consistante dans le climax à se marrer parfois d’un rien avec le style de combat à arbalète de The Huntress. Toutes prétendent à l’indépendance, mais pourquoi on soutiendrait des têtes à claques ambulante qui ne formeront une équipe que sous la contrainte et s’entendront juste après pour le mieux du monde pour on ne sait quelle foutue raison ?


Même utiliser un procédé comme le fusil de Tchekhov, ce film n’en est pas capable


puisqu’on oublie bien souvent ce qu’on a vu la scène précédente et que le seul plan montrant Black Canary faire péter un verre avec sa voix s’oublie aussi très facilement alors que ça devrait nous revenir davantage à l’esprit lors du climax ou elle l’utilise contre les sbires de Black Mask. Puisque tout les rôles entourant Harley ne sont déjà pas super populaire à la base (sauf Montoya bien sur) et n’ont rien pour se distinguer ici.


Donc pour la narration et ses héroïnes, c’est noyé sous sa couche de bouse avec la cerise qui va avec. L’esthétique est, hélas, à la hauteur de ce qu’on pouvait craindre. On est dans un Suicide Squad bis avec ses couleurs faussement osé et couillu et une direction artistique qui se croit audacieux à en mettre dans un film à la photo toujours aussi salement gris. Sauf qu’au final c’est plus anecdotique que jamais, et avec son avalanche de juron et d’irrévérence pensant être rebelle et cool alors qu’ils n’ont que l’aspect sale gosse pour eux. Sauf que quand on veut faire un film qui se veut insolent et irrévérencieux, on ne se repose pas que sur ça en principe.


Il faut une démarche artistique derrière, une intention réelle et une volonté de s’imposer, tout ce qui manque à Cathy Yan qui ne se montre pas plus inspiré que David Ayer sur le plan de la réalisation. Sauf quand il s’agit d’user du clip-show pour dynamiser le récit de manière criarde, en engageant au passage Daniel Pemberton uniquement pour rythmer la BO à base The Chordettes, Moderat ou encore Lucy Woodward.


Tout fait toujours aussi statique, aussi banal, aussi dénué de créativité ou même d’envie, ce n’est pas pour dire que du côté de leur concurrent Marvel fait forcément mieux avec les yes-man ou yes-woman employé mais il y a au moins de la consistance chez eux dans la démarche à défaut d’être du grand cinéma. Ici, ça n’a même pas la démesure allumée pour se rattraper comme le Aquaman de James Wan, encore moins les bonnes intentions de départ et la volonté de Zack Snyder avec Man of Steel, ni même l’envie de laisser respirer son cadre ou ses personnages comme Wonder Woman.


Et cette absence d’investissement s’en ressent jusqu’à l’une des tares les plus gavant à mes yeux dans le mauvais cinéma féminisme de ce siècle : la représentation des hommes montré sous leur plus mauvais jours, tous sans exceptions. Je vais pas m’attarder longtemps sur Black Mask et Ewan McGregor parce qu’on a l’énième psychopathe baron du crime sans originalité à l’unique exception qu’on a un excellent acteur gâchant son oxygène dans ce merdier, en revanche montrer les hommes constamment soit comme des profiteurs et opportunistes (le supérieur de Montoya), des vendus de première


(Doc le restaurateur hébergeant Harley)


, des bourreaux


(ceux qui ont massacré les Bertinelli, la famille de The Huntress)


ou des rustres finis, ça achève rapidement de rendre le film bidimensionnel dans sa représentation.


De plus, là on n’est pas dans le cas de L’Affaire Josey Aimes de Niki Caro ou les rôles masculins plus nuancé et bienveillant était bien souvent noyé par les autres rôles masculins malfamés, là dés lors qu’on est un homme, on est un trou de bal de compétition. Soit Cathy Yan a été noyée par les exigences des exécutifs, soit elle avait un gros problème d’égo à régler mais dans les deux cas ça ne passe pas.


Et enfin ça passe encore moins quand on sait qu’on est à Gotham, que l’absence de Batman suscite bien plus de question perturbante qu’autre chose (de jour, okay c’est logique, mais de nuit ça non) et que Bird of Prey n’a pas les moyens de fonctionner en film solo et indépendant comme Joker. Même en prenant uniquement le cadre de l’univers de Batman au lieu de celui de Justice League (ce dernier ayant déjà fini de déchiqueter l’univers cinématographique de DC).


Autrement dit, Bird of Prey n’est rien d’autre que la petite sœur hystérique et pisseuse de Suicide Squad. En plus débilitant, plus mal foutue sur le plan technique, plus mal raconté, plus dépassionné et surtout plus mou du bulbe que son aîné sauf qu’en 2020 soit plus de 3 ans après Suicide Squad, ça n’est plus excusable. Et à part donner envie de tuer le sandwich d’Harley juste pour l’emmerder, je vois difficilement ce qu’un fan ou un néophyte pourra retirer de positif dans une production aussi insignifiante si ce n’est que de la pitié pour Margot Robbie de perdre son oxygène dans un rôle qui mérite définitivement bien mieux sur le grand écran... mais qu’elle se rassure, elle ne sera pas la seule figure de la pop culture à passé au peigne fin ce mois-ci : Sonic le hérisson arrive très vite.

Maxime_T__Freslon
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le 6 févr. 2020

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