Il y a quelques jours, l’éditeur de DVD anglais Arrow videos a partagé sur Facebook un article sur les meilleurs films "neo-noir" : http://www.tasteofcinema.com/2015/the-50-best-neo-noir-movies-of-all-time/
Ca m’a donné envie de me remettre aux films policiers. De tous les titres dans la liste, j’ai opté en premier pour Black rain, de Ridley Scott. Il est très mal noté sur SensCritique, pour un film d’un réalisateur aussi apprécié, mais c’est quand même mon premier choix, juste parce que le titre, l’affiche, et les quelques images que j’ai vu m’ont fait penser que je pourrais y retrouver cette ambiance nocturne si particulière que j’affectionne, qu’on retrouve surtout dans les polars américains.
De ce côté là, j’avais raison. J’adore l’esthétique de Black rain, son look 80’s, ces personnages régulièrement baignés dans la lumière orangée d’un lever de soleil, le Osaka nocturne éclairé par les néons des enseignes et les reflets sur le sol humide. L’ambiance du film est sombre globalement, les personnages sont toujours partiellement dans l’ombre, mais il y a juste assez de lumière pour avoir de belles images pleines de détails. Il y a un plan génial qui joue sur ce contraste : le personnage est au plus bas, dans une zone grisâtre de l’image, et au-dessus de lui se trouve une enseigne au néon qui détonne.
Jan de Bont est un bien meilleur directeur de la photo que réalisateur.
Pour ce qui est de l’intrigue, Michael Douglas campe Nick Conklin, un flic New-Yorkais suspecté d’avoir mis dans sa poche de l’argent confisqué à des dealers. Lors d’un simple repas au restaurant, il assiste à un double meurtre lors d’une rencontre entre mafieux et yakuzas. La police ignore alors la raison de cette rencontre, le tueur reste muet lors de l’interrogatoire, et l’ambassade japonaise exige qu’il soit ramené dans son pays. C’est à Nick et son coéquipier que revient la tâche d’escorter le criminel… qui parvient à s’échapper à peine arrivé à Osaka, et d’une façon tellement simple, tout en sobriété, que l’idée des scénaristes est brillante.
Le concept de Black rain à partir de là est superbe aussi : ces deux policiers rentre-dedans se retrouvent dans un pays où chacun est extrêmement courtois, ils se retrouvent simples civils, à qui le port d’arme est donc interdit, dans un pays dont ils ignorent la langue, les coutumes, les lois, mais doivent retrouver Sota, ce yakuza qui s’est enfui.
Le film gère très bien toutes les implications de ce choc des cultures, et peut en aborder plusieurs aspects en même temps dans une seule séquence : les policiers japonais parlent de la bavure des ricains pendant que quelqu’un traduit, et que Nick réclame un café tandis qu’on lui apporte du thé, etc. Il se passe régulièrement plusieurs choses en même temps dans Black rain, ça force le spectateur à maintenir son attention, et dans l’exemple évoqué, ça retranscrit la confusion des personnages occidentaux et renforce le sentiment d’être dans une situation qui les dépasse.
Je regrette toutefois que le héros n’ait pas été seul, il y aurait eu une plus forte impression d’adversité, alors que là il y a son pote à ses côtés. (bien que le personnage ait son utilité)
En revanche, les deux New-Yorkais sont tellement grandes gueules que ça en devient agaçant. Que les personnages soient hermétiques à une culture qu’ils ne comprennent pas, ok, mais il y a pendant une bonne portion du film une insistance dans leurs moqueries gratuites qui frôle le racisme. Black rain en fait trop de ce côté là pour souligner le contraste entre Orient et Occident… la majorité du temps, il est question d’une incompréhension des métaphores grivoises de Nick par son comparse Japonais. Le propos ne trouve de la profondeur que sur la fin, quand le chef yakuza évoque les valeurs orientales bouleversées par les américains, qui ont engendré des têtes brûlées comme Sato.
Black rain abuse aussi légèrement sur l’obstacle que représente la police Japonaise pour Nick : ils l’arrêtent tandis que le méchant passe à côté d’eux. Et évidemment, le flic US boucle en quelques jours ce criminel recherché depuis des années (oui désolé, spoiler : le méchant perd).
La façon dont progresse l’enquête n’est pas captivante, l’intérêt de Black rain réside dans les rapports entre les personnages, et le rythme qui prend son temps pour poser une ambiance et faire ressortir de la tension par moments.
Je ne regrette pas d’avoir vu ce film, en dépit des avis peu favorables qu’il récolte.