Une belle justesse habite Black Snake Moan. Dans l'intention d'abord, puisque Craig Brewer parvient à toucher du doigt des thématiques sensibles sans tomber dans le piège de la grossièreté. Son sujet est casse figure mais suffisamment fort pour exprimer son potentiel sans qu'il soit nécessaire d'en faire des tonnes. C'est pourquoi malgré le côté un peu abrupte de son propos, Black Snake Moan ne se laisse pas aller à la provocation facile. Que ce soit pour illustrer un racisme ancré dans les mentalités ou le feu sacré qui pousse le personne de Christina Ricci vers les hommes, Craig Brewer reste quelque peu en retrait, pour ne pas tomber dans le déballage grossier. A ce titre, l'illustration du trauma à l'origine du comportement de Rae est amené avec beaucoup de finesse malgré sa gravité.

Black Snake Moan, c'est aussi la rencontre de deux acteurs qui vont trouver dans ce film l'un de leurs plus jolis rôles. Samuel L. Jackson laisse parler tout son charisme et revêt l'habit d'un paysan au coeur meurtri avec une belle intensité, en plus d'apporter son blues frissonnant à la superbe bande musicale qui se ballade de scènes en scènes. Christina Ricci n'a jamais été aussi convaincante. Investie sans retenue dans un rôle délicat, elle est le noyau d'une histoire éprouvante. Elle parvient même à nous faire oublier sa tenue légère en rendant son personnage très touchant. Craig Brewer semble avoir savoir où mener ses acteurs et comment les mettre en valeur. Bon nombre de séquences de Black Snake Moan parviennent à tirer le meilleur du duo qui se partage 2h de vie à l'écran. On retiendra notamment leur thérapie musicale éclairée avec fracas par une violente tempête.

Devant la belle tenue de Black Snake Moan on regrette toutefois son dernier acte un brin moins inspiré, voir même bien cavalier lorsque la question du mariage s'impose à nous sans raison apparente. Et c'est toujours un peu triste de finir une aussi jolie séance, marquée par une belle harmonie entre images, acteurs et musique, par un choix narratif discutable. Impossible toutefois d'en tenir rigueur à Craig Brewer, on préférera garder en mémoire la belle rencontre qui se joue à l'écran, ainsi que les airs de blues entêtant qui donnent au film ce soupçon d'humanité qu'il lui était nécessaire de revêtir pour tempérer le tourment intarissable de ses personnages.
oso
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le 25 mai 2014

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