Blague oui daube – BLACK WIDOW, spoiler et critique

Je suis allée au ciné cet été 2021, j'ai dégainé ma carte Illimité, et j’ai vu un Disney en live action de 2h14 avec un personnage central féminin, dont l’affiche est rouge, noir et blanc. Pas le film du siècle, mais ça va, de bonnes idées de réal (j’y ai trouvé des références à Scorsese), une BO très bien – voire parfois poignante, des acteurs relativement inspirés, une intrigue qui tient la route, rien de révolutionnaire mais un film divertissant.
Et quelques jours plus tard, je suis allée voir Black Widow.


J'en suis sortie émerveillée, étourdie : Chaque. Scène. Est. Nulle.
Rien à sauver dans le propos de ce film, sa narration, ses intentions !


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On peut reprocher des défauts de forme, comme les VFX à foison datés et bâclés. Pour qualifier la BO, j’hésite entre inconsistante et énervante. Sérieusement : c’est quoi cette manie d’utiliser dans les films des reprises mollassonnes de "classiques" punk-rock, ici Smells Like Teen Spirit, dont l’utilisation est déjà en soi est hyper éculée, mais avec une fille qui chante parce que c’est un film de filles, et en reprise ambient/musique d’ascenseur/édulcorant, sans la rage ni le mot libido, attention on est chez Disney. MAIS P*T%IN, déjà ça, ça me révulse, ça me fait sortir du film.


La réalisation est au même niveau que le pitch du film : aucune audace, zéro prise de risque, pas d’idée. Tu veux voir un action movie avec des combats intéressants, on a déjà fait des films comme Police Story, The Raid 1 & 2, ou même Jason Bourne, allez. D’ailleurs je n’ai rien contre Jason Bourne Héritage (coucou Jeremy Renner et Rachel Weisz, coucou les particules chimiques qui génèrent et annulent la manipulation mentale de super-soldats).


Le fond maintenant (car oui, on touche le fond).
Le vieux ressort de déculpabilisation « En fait tu n’as rien fait de mal, tu n’as pas tué ma gamine innocente dans cet incendie. Elle est juste brûlée sur le front, bon elle est moche donc je lui ai mis une puce dans la tête, mais rien qu’à elle, du coup c'est mon chef d'œuvre, plus coriace que les autres. »
Ça te prend pour un débile sur une résolution de l’intrigue : « Elle est la seule à avoir une puce électronique de contrôle dans la tête, mais elle guérit (comme toutes les autres) en une seconde avec un gaz magique scientifique rouge bioluminescent dont elle a mission de récupérer personnellement des fioles en début de film (mission failed), puis soigneusement exposé dans un frigo transparent dans le repaire super secret du méchant ».
D’ailleurs parlons-en, le repaire est introuvable pendant les deux tiers du film, mais niveau chronologie (lol, on y reviendra) on est en gros pendant Captain America: Civil War, donc au moment où Tony Stark est un gros parano sur la surveillance des extraterrestres, où il scrute chaque millimètre carré du ciel avec une technologie illimitée, alors qu’en fait personne ne repère la base de 1 km de large au milieu d’un nuage.


Mais Black Widow, c’est surtout (comme 98% des films US à gros budget, notez) un film sur les valeurs familiales, puisque le personnage-titre est une action girl badass, solitaire et écorchée. Logique. Tu vas retrouver tous les poncifs de la vie de famille, et même plus : une histoire où le "père" raconte à sa "fille" assise près d’un lit comment son propre père lui avait pissé sur les mains pour éviter qu’elles ne gèlent dans le froid : là j’avoue, la parabole familiale me dépasse.
C’est le repas de famille où la gosse n’arrive pas à en placer une sur la stratégie d’attaque, parce que les parents ricanent de choses très intéressantes, genre j’ai appelé mon cochon comme toi, t’as vu il te ressemble, gruik (là, un mec dans la salle de ciné a rigolé, j’ai cru que j’allais me lever pour buter l’humanité entière, mais en fait non).


Donc, on apprend dans ce 24ème film du Marvel Cinematic Universe (oui oui) qu'en fait, un méchant vraiment pas gentil manipule le cerveau de qui il veut, contrôle les marchés boursiers, déclenche des guerres à loisir, manie le prix du pétrole, j’en passe. D’accord. Pour cela, il utilise, depuis sa base secrète via une console tactile transparente, la ressource la plus abondante sur Terre : des filles.
Il en détient plein, on voit leur visage sur l’écran, genre mille, cent mille, trois milliards (?), il leur fait subir des hystérectomies pour ne pas qu’elles se reproduisent (sinon il y aurait encore plus de ressource, ce serait peut-être malin, donc non), il leur met des combinaisons, leur apprend des choré de clip de RnB et les appelle des Veuves. Il contrôle le monde. OK, et puis ? (Genre dans le dessin animé Inspecteur Gadget, le vilain est nettement plus charismatique, d’ailleurs j’ai oublié son nom ici, c’est Tchekov, Russkov, Raikov, Dnekov, un truc soviétique.)
Pourquoi faire ? Et pourquoi ce n’est pas un film sale, sur un gros pédophile narcissique par exemple ? Avec un semblant de message ou d'engagement. Non, on va dire que c’est un méchant et qu’il est mystérieux, il a un accent de communiste, et on va mettre des particules bioluminescentes un peu partout dans le montage, c’est joli.
Ajoutez une dizaine de plans appuyés sur des fesses de filles, et puis une brune/rousse qui veut changer de couleur achète une boite de coloration Blonde parce que ça marche comme ça.


Attention, gros ressorts narratifs : je n’ai pas eu de nouvelles de ma sœur depuis 21 ans, mais je suis une Avenger (= super connue dans le monde), je trouve avec des mois de retard une enveloppe envoyée à ma planque sécurisée de Hongrie, qui contient des fioles d’antidote chimique secret et une photo d’enfance. Enchaînement logique, je me rends à l'adresse où a été déposée l'enveloppe (wait, what?), j'ouvre la porte et ma sœur vit là (OK), on se tabasse 10 longues minutes jusqu’à s’arracher mutuellement le dernier souffle, pouce, temps mort, hop on est BFF parce que la famille c'est trop chou, raconte, comment tu vas depuis ce temps.


Mais on est en cavale, je tombe d'un toit de 70m, me fracasse sur une poubelle et des murs, puis le béton, je me relève, tout va bien, plan sur les fesses. On est super recherchées, on provoque des accidents sur la route, on va dans un magasin acheter une compresse en disant bien haut qu'on est deux tueuses surentraînées dont une Avenger.


Miracle, on retrouve plus tard le délicieux twist de type, oh, grande tension, je suis la gentille, je fais face au méchant, je prends mon temps pour lui dévoiler mon plan, et, oooh trop tard il a eu le temps contre-attaquer et appeler une armée, me distraire et s’échapper.


Et puis paye ton origin story.
On ne comprend rien aux lieux (Ohio, Budapescht, une prison à la neige, le ciel) ni à la chronologie, j’imagine que ça se passe essentiellement autour de Civil War (qui au passage, est je crois la pire daube écervelée du MCU en terme de scénario) qu'on a vu il y a 5 ans – on a zappé les détails s'il y en a à retenir. En intro du film ici, on voit Natasha, enfant d’une dizaine d’années (?), arrachée à une fausse famille d’espions de l'ex-URSS, puis 21 ans plus tard de nos jours, où elle a une combi moulante (ou deux, une noire et une blanche, la différence ? pourquoi "BLACK" widow d'ailleurs, oups on a oublié d'en parler). Elle sait attraper des gens avec ses jambes, et se bat avec sa famille pour tuer un méchant dont elle avait déjà dû se débarrasser pour acter son admission au SHIELD.


Certes, ce n'est pas un film sérieux. Il y a des blagues de tonton bourré aussi.
"Ta vraie mère, comment elle s’appelait ? Oui, je me souviens très bien, on l’a enterrée près un arbre avec des fleurs. C’était très joli comme endroit. (Contrechamp de Merci ? Ça ne répond pas à ma question ?) Ah oui, sur sa tombe, il y a écrit Anne… Onyme !" :poker face:
Autre sale vanne de nom propre, "Je suis ton presta logistique, un vrai professionnel, mais aussi un véritable ami, je pionce sur ton lit. Je t’ai préparé un hélico et des passeports, des visas pour tous les pays, tiens, voici une identité c’est Fanny Popotame (Longbottom en VO). Ben quoi, c’est complètement legit comme nom." On rappelle ce prénom à la fin avec le chien de la frangine, c’est là que j’ai réalisé que c’est marrant comme choix, Fanny pour un brûlot féministe/girl power : c’est pas chatte en anglais britannique ?
Je note la référence clin d'œil à Moonraker, qui est un des pires James Bond (risible, nanardesque à souhait), avec une base spatiale, Requin qui tombe amoureux de la petite blonde à couettes, Georges Beller et Michael Lonsdale qui cabotinent, Roger Moore plus macho tu meurs.
Le seul truc où j'ai souri, c'est en voyant Julia Louis Dreyfus en scène post-générique, j'imaginais Elaine dans Seinfeld, avec Kramer qui déboule par une porte.


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J’ai des potes qui sont sortis déçus de ce film, qui trouvent mon avis marrant.
Non. Moi je trouve que c’est très fort de financer un tel amas de poncifs et de ratages. Dont l’intrigue est de se libérer du joug d’un manipulateur cérébral insaisissable, de mettre littéralement de la poudre aux yeux pour endiguer la lobotomie. (Avec des valeurs familiales.)
Aussi, je trouve grave d’arriver encore à faire gober à grande échelle des merdes comme celle-ci, lorsqu’on sait greenlighter des films de super héros woaw, comme le Spiderman New Generation : magnifique, bourré d'idées, cohérent, sincère, musique impeccable, un super divertissement que t'as envie de revoir.


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hashtags #idiocratie #violcérébral #ennuitotal

erisXnyx
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le 19 juil. 2021

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erisXnyx

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