Les sceptiques de Kubrick lui ont parfois reproché une certaine froideur dû à la sobriété radicale de son style, et pourtant derrière ses compositions soignées résidait une idée poétique ou une idée forte sur le plan symbolique. Aujourd'hui si Blade Runner 2049 nous gâte généreusement de lumières, de décors, d'images déraisonnablement travaillées et harmonieuses, elles ne révèlent souvent qu'elles-mêmes. Tant d'efforts ont été mis dans ce film pour atteindre cette perfection technique, esthétique, pour respecter et même transcender la licence. Toute cette révérence élogieuse pour au final négliger la substance, la possibilité au cœur de battre au sein la machine.


La musique par exemple infuse une ambiance massive, immersive et sans issue, mais celle-ci dilue le sens, homogénéise ce qu'elle décore. Et ainsi, pour tout le reste, on en vient progressivement à penser que tout ce qui compose cet univers n'est là que pour faire joli à l'écran, n'est là que pour faire "Blade Runner" et rappeler au spectateur qu'il regarde ce qu'il regarde.


Du début à la fin, un bout de bois, connu sous le nom de Ryan Gosling ne dégage absolument aucun rien, ni n'attire quelconque empathie. Même sa relation à l'IA qui ouvre un champ de possibles thématiques, suscite autant d'affect qu'une liste de courses, ce qui finit même par nuir à l'impact émotionnel, scénaristique d'une des dernières scènes pivot du film...
Le plus dramatique c'est de se rendre compte que la globalité des personnages du film, si ce n'est la créatrice de rêves, dégagent autant d'apathie.



  • Commençons par Wallace, le nouveau tout puissant poursuivant les velléités démiurgiques de Tyrell. Il ne véhicule aucun enjeu tangible, aucun objectif marquant et encore moins de crainte. Il est juste là pour démontrer à travers de longues scènes qu'il est bien le sociopathe bavard de service et pour faire une menace absolument molle à un personnage en fin de film.

  • Harisson Ford est la carotte du film et se permet même de le conclure. Pourtant ce personnage secondaire ne dégage aucun but, aucun rêve pour générer intérêt ou compassion. C'est un paquet de lessive qu'on trimbale 1/4 du film et auquel on accorde une importance démesurée pour j'imagine, faire plaisir aux fans les plus obsessionnels.

  • La Terminator de service (je pèse mes mots), à savoir la sbire de Wallace servant de générateur de scène d'action, est juste binaire, dépourvue de la moindre complexité.

  • Une Morpheus de service (le pire personnage du film) débarque de nul part 20 minutes avant la fin pour nous dire dans une mise en scène cliché qu'elle veut renverser le monde avec son armée de 12 punks à chien. Encore un personnage dispensable qui sert uniquement à passer un mot à Gosling, et je le crains, à donner la possibilité d'un troisième film... Mais en 2017, avez-vous encore envie de voir un énième film traitant de la rébellion de robots/mutants/opprimés ? Pas moi.


Même le souvenir clé de Gosling ne dégage absolument rien. On devrait être profondément touché, mais nan, la charte nappes de synthé-personnages mutiques dans des décors clairs-obscures ne permet pas ce genre d'écart. Elle est là l'anti-thèse de The Arrival, du même cinéaste. Deux films traitant du destin et de l'instinct, et qui prennent pourtant deux routes radicalement opposées...
Finalement on retient ce souvenir comme un élément déclenchant sans aucune logique l'intrigue (Il tombe de manière absolument improbable sur une date gravée sur un arbre) et qui annonce des événements qu'on voit arriver longtemps avant qu'ils apparaissent enfin à l'écran...


With no alarms and no surprises, le film se conclue avec l'émotion toujours aux abonnés absents. On s'en va avec la frustration d'avoir vu un travail titanesque accoucher d'une souris et le sentiment d'avoir vu ce genre d'histoire raconté des centaines de fois et de manières tellement plus saisissantes.


Tel son ainé, Blade Runner 2049 est un film techniquement remarquable pour son époque mais aussi un film simpliste, paresseux dans son écriture, qui se revêt sous une artificielle profondeur par sa dilution du rythme et son absence d'enjeux assumés.


(6,5/10)

F_b
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le 5 oct. 2017

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