Il y a encore quatre ans, je ne connaissais pas Denis Villeneuve. Mais Prisoners est arrivé et mon coup de cœur pour ce cinéaste dont j’ignorais l’existence fut immédiat. A cet instant, j’ai su qu’il allait faire de grande chose. J’avais raison. S’en est suivi, Enemy, Sicario, Premier Contact et aujourd’hui Blade Runner 2049, la suite d’un monument de la SF signé Ridley Scott sorti en 1982. Presque trente ans plus tard, le cinéaste livre une fresque vertigineuse dans un futur en plein chaos. Lorsque la projection presse s’est terminée, je me sentais tout petit face à l’immensité représenté par le film. Et même en ce moment, lorsque j’écris ces lignes, l’impression que je ressens est incroyable.


Cette œuvre d’art visuelle, véritable contemplation seconde après seconde, dont chaque plan semble respirer de lui-même, s’assume telle qu’elle est vraiment : une réalisation unique par un visionnaire hors-pair. Avec cette esthétique prodigieuse, Denis Villeneuve et son chef de la photographie, Roger Deakins (dont le travail ici est d’une beauté incomparable) caractérisent chaque lieu par une ambiance indépendante ce qui à l’écran offre un rendu spectaculaire. La composition des plans est riche en détails, teinté de nuit noire et de tempête quand il s’agit de Los Angeles et ses recoins futuristes, étonnant de réalisme laissant un sentiment de vide et de désastre (qu’ils soient écologiques ou politiques) ou d’un Las Vegas désertique dont le sépia en renforce le danger et la beauté. Car même si nous sommes conscients de l’importance de l’histoire et les menaces qui s’y trouve, Blade Runner 2049 est limite obsessionnel par cette pureté de l’image. Tout est tellement net, à la qualité fantastique que les opposés se rencontrent, tel un oxymore en littérature. En cela, le visionnage du film s’apparente à la lecture d’un poème, comme si chaque mot, chaque composant avaient été soigneusement choisis pour glorifier l’œuvre. Entre les jeux d’ombres, la luminosité et les cadrages, tout, je dis bien tout est réfléchi au millimètre près, à tel point que durant la séance, j’étais sous le charme par cette rare magnificence.


Malgré toute la gravité qui hante l’histoire et les personnages, Blade Runner 2049 reprend les thèmes phares qui ont fait le succès de son aîné en les approfondissant. Empreint de mélancolie et de tragédie, la réflexion sur l’humanité, cette quête interminable des humanoïdes désireux de devenir plus humains que les humains est une dynamique qui inspire les scénaristes depuis des générations. Comme si l’homme lui-même se remettait en question dans un monde fragile, cherche-t-il un être qui saura être mieux que lui ? Cette vision, qui semblait lointaine dans le premier film, est ici ancrée dans la réalité. Toutes ces créations n’ont plus ce côté anticipatoire qu’elles pouvaient avoir car aujourd’hui, ce futur sombre qui nous est présenté est un futur à la probabilité grandissante. Le blade runner incarné par Ryan Gosling, K, est le personnage qui porte l’intrigue sur ses épaules. Même s’il est formidablement soutenu par tous les personnages présents dans le film (Robin Wright, Ana de Armas et l’impeccable Sylvia Hoeks pour ne citer qu’eux), sa quête identitaire est bouleversante, dialoguant avec le récit pendant près de 2h43. Oui, cela peut sembler très long mais cette longueur n’a pas besoin de se justifier, il faut voir le film pour comprendre toute l’ambiguïté et la profondeur qu’il porte en lui. Il se passe tellement de chose dans sa conscience que son interprétation est d’une justesse folle. Gosling maitrise l’art de raconter une histoire par le corps et avec ce rôle, il tient quelque chose d’indescriptible. Par ailleurs, sa rencontre avec Rick Deckard – j’appelle ici Harrison Ford, lui aussi nuancé par ses expérience passées – violente au commencement parvient à trouver un équilibre par la suite.


On reproche souvent aux blockbusters hollywoodiens de n’avoir aucune âme. Que ces critiques retournent se coucher car ce que vous aurez avec Blade Runner 2049 est sans équivalent. En s’émancipant volontairement du gros film de science-fiction qui enchaîne les scènes d’action à un rythme effréné, Villeneuve nous fait cadeau d’une grande expérience cinématographique. Le film a besoin d’être ressenti dans toute son intensité et sa complexité, il n’est pas question pour lui d’être parasité par des éléments superflus. Avec cette lenteur assumée, ce cher Villeneuve pourra en décevoir certains mais le résultat final n’aurait-il pas perdu en consistance s’il avait répondu au cahier des charges hollywoodien actuel ? Cela est évident.


Blade Runner 2049 était dès le départ un projet ambitieux qui inquiétait les fans de la première heure mais qui s’impose aujourd’hui comme une œuvre de référence. Un film qui laissera son empreinte dans la conscience collective tellement son propos est vaste et profond. Personnellement, je n’avais pas été chamboulé par le premier film ou comme les fans, envouté. Je n’ai pas grandi avec ce film, donc je n’ai pas de lien particulier avec lui. Par contre, si une chose est sûre, c’est que sa suite, ce 2049, laissera indéniablement une trace indélébile, une expérience visuelle unique et fascinante.


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JimmyJoubin
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le 4 oct. 2017

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