I've seen things you people wouldn't believe...

Qu’est ce qui fait un bon film de sciences fiction ? Est-ce que c’est son rapport au réel et la pertinence de son univers, ou bien la volonté de questionner le spectateur sur sa condition ?
Le futur est quelque chose de mystérieux, qui terrifie plus souvent qu’il ne réconforte. C’est une source inépuisable d’idée qui voit son expansion naître dans les nouvelles écrites par d’illustres auteurs. Dans celles-ci, on se voit souvent trouver des solutions à tous nos problème en inventant et découvrant des myriades de choses qui pour autant auront un impact néfaste sur notre condition primaire. 3 sujets majeures ressortent pour ma part, la génétique qui entraîne souvent la dystopie, la conquête spatiale, et la robotique qui peut être le sujet le plus riche en termes philosophique si bien exploité. L’existence même de l’intelligence artificielle rapporte à la volonté de l’homme de créer la vie se prenant pour l’égal de Dieu, ce qui bien sûr entraîne un jour le dépassement de la création face à son géniteur. Si dans I robot c’était plutôt maladroit, c’est en Blade Runner que l’on retrouve toute cette dimension qui fait de lui un bon film de SF. Dans celui ci, l’écart entre réplicant (androïde) et humain est infime, ce qui brouille la perception de nos semblables. Et c’est ce qui faisait l’essence du film culte des années 80, est ce que ces robots sont plus humain que l'homme lui même ?


Cette année est sortit Blade Runner 2049, la suite du premier, qui se déroule 30 ans après, toujours dans les rues inquiétantes mais animés de Los Angeles. L’agent K, Blade Runner de profession, reçoit une mission qui va le faire se reconsidérer lui même…


Ce film je l’ai attendu, mais pas pour les même raison que certain. Je suis fan de Denis Villeneuve, depuis Incendie, et après la claque Arrival, je voulais voir ce que le réalisateur nous préparait… Une suite de Blade Runner… J’ai eu peur que cela soit de ces suites/remakes de films cultes qui ne se repose que sur ce qui a fait le succès de l’oeuvre originel, sans avoir une identité propre. Et même quelqu’un comme Villeneuve aurait pu se faire écraser par une production un peu trop avide d’argent. Puis une bande annonce est sortie, et j’ai été complètement rassuré. Et maintenant que je l’ai enfin vu je peux dire ouvertement, que c’est une bonne suite, un très bon Villeneuve et surtout un excellent film.


Alors est ce que c’est long ? Pas le moins du monde ! Oui certains plans s’étirent un peu, mais dans l’ensemble le film joue magistralement sur le contemplatif. Je ne me suis pas ennuyé une seule seconde, Pourquoi ? Parce que c’est exceptionnellement graphique, bien plus que dans le premier. Roger Deakins nous livre une photographie digne d’être oscarisé. Tout est calculé pour nous faire ressentir une ambiance pesante, chaque plan, chaque couleur, chaque lumière a une signification. Tout cela donne un ensemble très stylisé qui lui permet d’acquérir sa propre identité. Alors ça ne me dérange aucunement que le film prenne son temps pour nous immerger un peu plus dans son univers.
Chaque nouveau lieu à son importance, là où Blade Runner 1er se déroulait la majeure partie du temps en ville, ici on nous fait voyager dans un monde en perdition, complètement en ruine comme pour symboliser l’extinction de l’ère humaine… Et pour symboliser ces différents lieux, il y a, plus que jamais, un gros travail effectué sur l’utilisation des couleurs et de leur signification. Là encore on reprend les couleurs pétantes des publicités qui polluent la ville, comme pour compenser les nuances ternes qui composent la rue. Symbole d’un monde où l’homme moyen n’est plus qu’un consommateur reclus au fond des cités, envahi par la culture asiatique et les pulsions sexuelles. Tout devient plus monochrome quand on sort de la métropole rappelant le déclinement de l’humanité. Ainsi le premier lieu du film est montré comme grisâtre, l’homme y est quasiment absent, il y cultive son énergie et sa nourriture, mais toute vie sauvage à disparue, seul un vestige de la nature reste face au désert… Vient ensuite la décharge qui montre le côté primitif de l’homme, se terrant dans ses propres déchets, tentant de survivre en attendant une quelconque évolution. Puis la ville déserte, nappé d’un orange marronâtre, symbolisant le temps passé, l’extinction de l’humanité mais pas de la vie terrestre…
Plus que les couleurs, la lumière, dans tout le film, développe les personnages, on a un travail très calibré dès le début avec L’agent K qui se retrouve très souvent dans l’ombre, pour renforcer la puissance de son visage. A bien y réfléchir tout les personnages se retrouvent à un moment ou un autre privé de lumière, ce qui renforce le côté non manichéen de l’oeuvre. Plus précisément dans l’entreprise Wallace où les mur sont dorée et le plafond est spécialement conçue de sorte à ce que la lumière soit en constant mouvement.
Et bien sûr la réalisation de Villeneuve n’est pas en reste, car c’est lui qui permet aux plans de respirer, de nous faire ressentir tout ce que l’univers veut nous raconter. La réalisation est d’une cohérence parfaite et fait écho avec l’excellent travail de la photographie. Il y a également un travail de la profondeur de champs qui me fait halluciner, même sans son le film serait magnifique, alors avec…


Penchons nous sur ce qui fait aussi la force de ce titre, le son. Dès les premières secondes on nous sert une composition sonore puissante, allant jusqu’à faire vibrer les enceintes du cinéma, ça pose le décor, ça indique que ceux qui voulaient voir un blockbuster peuvent sortir. Ici On a une utilisation d’énormément d’instrument pour donner un thème un peu irréel, futuriste. Des sons extrêmement lourd et graves sont planté dans le décors puis on vient y ajouter une suite de sons perçant pour instaurer un univers musical mystérieux, froid, dénué d’espoir. Ce travail m’a fait penser aux musiques de Arrival, j’ai donc penser que c’était le même compositeur, ayant repris le travail de Vangelis pour le premier. Mais non, c’est bien Hans Zimmer qui a bossé avec Villeneuve pour nous servir comme toujours bande son mythique et immersive. A bien y réfléchir, c’était logique, vu la qualité de la soundtrack que je suis actuellement en train d’écouter.


Je ne vais pas aborder l’intrigue, laissant planer un peu le mystère, mais je tiens à vous dire que L’histoire vaut tout à fait celle du premier, débutant sur une enquête qui va vite se transformer en une quête identitaire.
Les personnages font la force de ce long métrage comme le faisait son prédécesseur… Le Héros est troublant de réalisme, et rien qu’à son attitude monotone mais en constante évolution, il crée de la sympathie et surtout de la compassion, de plus que Ryan Gosling le joue à merveille tout en subtilité. Mais, pour moi, c’est son I.A., Joi, qui donne une dimension encore plus profonde au film (en plus l’actrice est peu connu alors qu’elle est extrêmement douée). Dès qu’elle est dans les parages, il y a une osmose qui se crée semblable à ce que m’avait fait ressentir Her de Spike Jonze. Le seul bémol sont les antagonistes qui n’arrivent pas à la cheville de Roy Batty, qui avait un tel charisme à l’écran. Jared Leto qui est un peu trops perché à mon goût, et sa compagne pas assez développé, peut être même trop méchante, pour un film de ce genre ou personne n’est censé être blanc ou noir.
Mais dans son ensemble le film jongle parfaitement entre les différents élément et à aucun moment on ne décroche. Et Villeneuve à toujours ce don pour bien ponctuer ses films, et celui-ci ne déroge pas à la règle. Même si elle n’atteint pas la puissance de l’original, la fin est une ode à l’essence même du livre de K. Dick, un message d’espoir dans ce monde si noir, la beauté là où on ne l’attendait pas...


Ce film est un incontournable, il rafraîchit le paysage cinématographique. Là où les blockbusters ne cesse de s’installer tout en conservant une même recette, Blade Runner 2049 les détourne et nous livre une expérience poétique mêlé à du sensationnelle. On vous explose la rétine, on fait jouir votre ouïe, on vous fait pleurer, on vous fait vous questionner. Des films comme ça il y en a de moins en moins, et je remercie Denis Villeneuve de perpétuer l’héritage de l’oeuvre culte Blade Runner.

Valnight
9
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le 9 oct. 2017

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Valnight

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