BLADE RUNNER 2049 (17,4) (Denis Villeneuve, USA/GB, 2017, 163min) :


25 juin 1982, Blade Runner film de Ridley Scott voit le jour sur les écrans américains et illumine les écrans de sa noirceur, en éclairant la Science-Fiction cinématographique sous un nouvel angle. Un long métrage qui révolutionne les codes narratifs et esthétiques tiré du roman de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? publié en 1968.
Depuis l'aura du film garde tout son mystère pour devenir même au fil des années un objet fictionnel mythique et séminal qui a influencé tout un pan du genre SF.
4 octobre 2017, l'écran large de nos nuits blanches peut s'immerger à nouveau, et aller se perdre dans cette suite risquée, après 35 ans de vide sidéral et de questionnements qui nous taraudaient depuis l'original, Denis Villeneuve tente un défi quasiment impossible à réussir tant l'attente et le phœnix du premier semblent difficilement atteignables même pour un réalisateur ayant déjà eu brillamment un Premier Contact (2016) avec la Science-Fiction. Certains espéraient même pouvoir ainsi réduire en cendres ce talentueux faiseur en le voyant chuter devant cette tâche ardue. Disons le dès à présent le réalisateur canadien ne sera pas brûler sur l'autel des critiques qui ne pourront pas faire feu de tout bois, le pari s'avère largement réussi avec ce passage de Los Angeles Novembre 2019 jusqu'en 2049 ! 35 ans d'attente valait le coup d'attendre pour affronter un bond vertigineux 30 ans plus tard que la première intrigue, direction Los Angeles en 2049.
Un long métrage qui s'inscrit dans la suite du premier, où l'officier K du LAPD, un blade runner, se voit nommer en charge d'éradiquer les derniers réplicants (androïdes créés et utilisés par les humains dans différents domaines) de l'ancienne génération encore en vie. Sa chasse va petit à petit l'emmener vers une enquête qui l'oriente vers Rick Deckard, disparu depuis trente ans avec Rachel, une réplicante dont il est tombé éperdument amoureux.
Dès le premier plan, par le biais d'un clin d'œil miroir judicieux, le réalisateur relie les deux films et se pose ainsi d'emblée comme un héritier respectueux de l'héritage de Ridley Scott. Ce qui frappe en premier la rétine, dès les premières images, c'est l'immense douceur qui se dégage à travers les premiers plans aériens sur un champ de panneaux solaires, prévenant d'entrée l'ambition du réalisateur de nous présenter une sorte de film antithèse au premier, tout en conservant son esprit. Un délicat jeu d'équilibre dans lequel la mise en scène et la narration vont évoluer sans jamais vaciller, mais en faisant des échos subtils à la fiction originelle, via certains personnages, quelques objets, origamis, photos ou encore certaines situations. Denis Villeneuve nous propulse vers une fascinante épopée contemplative, une quête identitaire, intime et philosophique où l'arbre de vie va côtoyer des questions métaphysiques vers le devenir de l'humanité, déjà abordées par d'autres monuments cinématographiques, tel 2001, l'odyssée de l'espace (1968) de Stanley Kubrick par exemple. La mise en scène déploie à chaque plan un hommage sincère ainsi qu'un allongement esthétique de l'univers urbain post apocalyptique et déshumanisé du premier film, tout en transcendant le style et l'atmosphère par des mouvements de caméras époustouflants dans un climat moins poisseux et humide que le précédent, orientant ainsi le film vers des teintes de couleur notamment plus orangées et moins sombres. Le cinéaste mise sur l'épure pour nous offrir le grandiose, l'infini grand par le biais de détails savamment mis en valeurs en déclinant un récit respectueux des origines en illustrant un monde hyper-technologique au bord du gouffre. Dans ces splendides décors futuristes Denis Villeneuve étire ces séquences (parfois un peu trop) pour conserver l'esprit du film de Scott, notamment lors des nombreuses pérégrinations à pieds ou dans les airs. Le metteur en scène prend bien le temps de mettre en place son intrigue plutôt ténue puis instaure des fausses pistes et quelques rebondissements dans un scénario assez calibré, malgré quelques audaces psychologiques plus intimes que dans le premier Blade Runner. Tout au long de cette fiction la maîtrise du metteur en scène est totalement sidérante et nous offre de magnifiques plan-séquences grâce aux effets spéciaux VFX des visuels absolument somptueux, sans conteste parmi les plus beaux plans de l'année cinéma 2017. Un monde où le réel en profondeur de champ semble au bout du rouleau alors qu'artificiellement les hologrammes peuplent cette cité déserte et tentent de divertir le vide résolument installé autour d'eux. Ce voyage magistralement prenant sur la condition humaine et le futur de l'humanité s'alimente de secrets et de désirs enfouis pour mieux nous enivrer par sa virtuosité jusqu'à la fin du film particulièrement émouvante. Cette épatante suite s'aventure également avec subtilité sur des thématiques déjà déclinés dans des films comme Her (2013) de Spike Jonze ou encore la référence A.I. Intelligence artificielle (2001) de Steven Spielberg pour en apporter un point de vue singulier. Ce nouvel opus se repose en grande partie sur le destin de l'officier K du LAPD, incarné avec charisme, impassibilité et intensité par l'étonnant Ryan Gosling qui porte littéralement le film, avant d'être rejoint dans une scène bien amenée par l'impeccable et vieillissant Harrison Ford reprenant le rôle de Deckard en lui apportant une touche dramatique surprenante ainsi que la convaincante Ana de Armas. La partition musicale tonitruante (trop ?) de Hans Zimmer, à base de sons, de basses et de synthétiseurs n'égale bien sûr pas la bande originale sensationnelle de Vangelis pour le film de 1982, mais lors de trois, quatre réappropriations thématiques parvient tout de même à avoir une belle ampleur. Denis Villeneuve en gardant la substantifique moelle et l'essence de l'œuvre originelle confère à cette magistrale suite une identité propre. Venez plongez sans crainte dans cette éblouissante réflexion sur la "vie", "la création" et "l'humanité" en pénétrant dans cet impressionnant Blade Runner 2049. Envoûtant. Puissant. Touchant. Majestueux.

seb2046
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le 5 oct. 2017

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