Pire film, pire sens de l'orientation et film le plus drôle. Voici les nominations qu'à reçu Blair Witch 2 aux Stinkers Bad Movie Awards en 2000. Mais il mériterait surtout le titre de film le plus cupide de l'année. A peine remis du succès planétaire du premier opus, les deux réalisateurs échangent la casquette de metteur en scène pour celle de producteur. Décidant de capitaliser sur le triomphe de leur premier long-métrage, ils mettent rapidement en chantier cette suite, et confient à Joe Berlinger scénario et réalisation. Nanti d'un budget ô combien supérieur (environ 15 millions de dollars contre même pas un pour le précédent), il est décidé d'opérer un retour vers un cinéma d'horreur plus traditionnel. Finis les grimaces devant le caméscope, l'hystérie amatrice et la morve au nez. En même temps, essayer de réitérer l'exploit du Projet Blair Witch était au mieux impossible, au pire terriblement cynique. Bien qu'il soit tout de même question d'une once de cynisme derrière ce projet, et d'un brin d'avidité également, l'introduction laisse entrevoir un prolongement pertinent lié à la réussite de l'opus précédent et au statut de film culte dont il jouit dorénavant.


Moins méta que Scream et sa saga diégétique Stab, on reconstitue ici frontalement le succès du premier film. On y suit une fan-base obnubilée par la forêt de Blair, ses mythes et légendes, mais surtout le flouz que ça peut rapporter. Ils ne croient pas si bien dire. Des goodies sont vendus en pagailles et des expéditions organisées dans les bois sur les traces de la désormais célèbre sorcière. Alors qu'une lecture sur les conséquences d'un tel phénomène, entre sensationnalisme de mauvais goût et ouverture du tiroir caisse, pouvait se révéler passionnante, le scénario préfère emprunter le chemin ultra-balisé de la malédiction qui rend fou ses personnages. Pour l'originalité on repassera. Le premier opus s'appuyait sur cette simplicité désarmante pour renouveler avec brio la forme du film d'horreur, mais le retour à un filmage plus traditionnel ne fait qu'éclairer les lacunes d'un script et d'une mise en scène dénués de la moindre imagination. Là où la suggestion était de mise, il n'y a désormais plus qu'une mécanique qui tourne à vide, détruisant l'édifice construit l'année précédente. Plus de mystère, disparue l'aura de souffre qui planait sur la forêt de Blair. Place aux jeunes adultes libidineux post-American Pie, confrontés à une force obscure qui permet toutes les facilités scénaristiques possibles, que ce soit en terme d'espace, de temporalité ou d'action. La menace, invisible, n'est jamais réellement établie, et donc toutes les fantaisies sont possibles. Ta gueule c'est magique comme dirait l'autre. S'ajoute un casting affublé d'un look instantanément ringard digne des pires slashers de la décennie, des effets horrifiques au rabais et un twist final qui malgré une idée séduisante sort de nul part lors des dernières minutes. Un twist qui aurait pu se positionner en commentaire sur le phénomène post-Blair Witch et la relation qu'entretient le public avec une image de cinéma ; la puissance que peut dégager cette dernière et comment elle nous influence. En somme, continuer le discours entamé en 1999 sur le réel et l'image du réel.


Puisqu'il n’y a pas grand chose de plus à raconter sur cette suite ratée et opportuniste, intéressons nous plutôt à Joe Berlinger et la suite de sa carrière. Pour les adorateurs du grand N rouge il a réalisé en 2019 Extremly Wicked, Shockingly Evil and Vile où le beau gosse Zac Effron prêtait ses traits au célèbres tueur Ted Bundy. Mais il a surtout accouché de l'incroyable documentaire Metallica : Some Kind of Monster, quatre ans après s'être rendu coupable du Livre des Ombres. Le film met un lumière un groupe déjà lessivé après 20 ans de carrière, s'attelant à la composition de leur nouvel album, Saint Anger. Guerre d'égos, alcoolisme, panne d'inspiration et crise de la quarantaine, rien ne nous est épargné pendant plus de deux heures. Et on ne parle pas de n'importe groupe, mais de Metallica, ayant composé des albums légendaires tels que Master of Puppets et ...And Justice for All, capable de remplir des stades entiers en moins d'une heure. Rarement un groupe s'est autant mis à nu, n'a été aussi vulnérable face à des caméras, sorte de séance chez le psy à ciel ouvert. En résultera un mauvais album de musique mais une renaissance pour le quatuor. Alors au lieu de regarder cinq névrosés paumés dans la forêt, allez plutôt zieuter l'incroyable descente aux enfers d'un des plus grands groupes de l'Histoire, rien qu'ça.

PowerSlave7
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le 17 déc. 2023

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