J’ai décidé de ne plus me précipiter pour rédiger mes critiques, de prendre un peu de recul, pour émettre un avis -peut-être- plus réfléchi, moins dicté par la passion, pas toujours bonne conseillère.

Ainsi, immédiatement après avoir vu Blanche-Neige et le chasseur, mon point de vue était-il plutôt positif. Quelques semaines plus tard, je constate qu’il ne me reste pas grand chose de ce film, sauf quelques images assez léchées. C’est le service minimum, vu les talents réunis ici : Greig Fraser (on lui doit la photographie de Bright star), Colleen Atwood (costumière attitrée de Tim Burton) et une équipe artistique des plus séduisantes, avec David Warren (Hugo Cabret, Sweeney Todd), Stuart Rose (Hugo Cabret, Charlie et la chocolaterie), Alastair Bullock (Hugo Cabret, Batman begins), Andrew Ackland-Snow (Cheval de guerre), John Frankish (Hellboy II) et Oliver Goodier (Batman begins).

Malgré le travail irréprochable de ces professionnels expérimentés (ou à cause ?), le résultat est très standardisé, sans inspiration. Je dirais même sans charme et sans poésie. On dit souvent que la complexité grandissante de la législation, des réglementations a conduit les politiques à abandonner leur pouvoir aux experts. J'ai l'impression que beaucoup de cinéastes sont dans le même cas de figure. Face à des techologies qu'ils maîtrisent de moins en moins, ils ont cédé une part de leur créativité à leurs équipes techniques. En sorte que de plus en plus de films sont très impersonnels sur la forme et thématiquement creux (voir Prometheus, parmi les plus récents). Je regrette que l'esprit artisanal du cinéma se perde. Quelques-uns l'ont conservé, comme Coppola, avec Twixt. Cependant, ce que l'on nous propose aujourd'hui, à de rares exceptions près, est désespérément dépourvu de saveur.

Pour cette première réalisation, Rupert Sanders ne nous propose ainsi rien de nouveau. Il multiplie les emprunts. Pêle-mêle : Le seigneur des anneaux, Alice au pays des merveilles (l’ancien PDG de Walt Disney Studios Entertainment, Joe Roth, est le producteur des deux projets), Black Swan (la parure de corbeaux de Ravenna rappelle le plumage ébène de Nina), et, dans le domaine littéraire, les légendes arthuriennes (le cerf blanc, entre autres), que l’on retrouve aujourd’hui à toutes les sauces, à tel point qu’elles ont sont dévoyées. Certes, en matière d’art, il n’y a pas de génération spontanée. Même les œuvres les plus originales ne naissent pas ex nihilo. Néanmoins, les auteurs authentiques savent s’approprier leurs influences, pour créer un univers qui leur est propre. Ce n’est pas le cas de Sanders, qui s’en tient à la simple citation (pour ne pas dire au plagiat), d’où le criant manque d’unité -narrative et esthétique- de Blanche-Neige et le chasseur.

Ce n’est pas sur l’interprétation que le film se rattrape. Charlize Theron, déjà moyennement convaincante dans Prometheus, ne fait pas dans la subtilité. Je la préfère, et de loin, dans des films plus intimistes (L'affaire Josey Aimes, Dans la vallée d'Elah, Loin de la terre brûlée), où elle n’a pas besoin de surjouer. Kristen Stewart passe ici d’Alice au pays des ténèbres à Jeanne d’Arc. Je dois avouer ne pas avoir été insensible aux mauvais traitements que lui fait subir Ravenna. Toutefois, une once de sadisme palpitant au fond de moi, j’aurais aimé que la diaphanéité virginale de son charmant minois soit davantage souillée. Cela eût apporté un peu de piquant à cet ensemble insipide… Chris Hemsworth, quant à lui, reste le monolithe sans expression qui lui vaut d’être l’interprète du délicat Thor. Pour l’acteur australien, le répertoire shakespearien, ce n’est pas pour demain !

Au final, avec cette nouvelle adaptation de Blanche-Neige, Rupert Sanders nous offre un spectacle fade. En fait, j’ai le sentiment qu’une partie de la production cinématographique actuelle est comme le héros du dernier film de Sokourov, Faust : elle s’est offerte au diable (les créateurs d'effets en tous genres), pour être plus belle (du moins en apparence), mais a dans le même temps perdu son âme…
ChristopheL1
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le 1 août 2012

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ChristopheL1

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