Après avoir soigneusement relu le conte de Grimm, je vais me lancer dans la critique du film de Rupert Sanders "Blanche-Neige et le chasseur" en me disant "Attention, casse-gueule".
Parce que ce film, je l'ai trouvé en DVD neuf et vraiment pas cher, il y a quelques années. En général, mon expérience m'a souvent montré que les bonnes affaires sont très rares en la matière. Et puis, autre raison, parce que je vais me frotter à des aficionados super-spécialistes de l'histoire ou du conte.
Pour couper court à tout suspense, eh bien, il se trouve que c'est mon deuxième visionnage et que j'avoue avoir bien aimé.
En relisant le conte, j'ai pu constater que si le dessin animé de Walt Disney (un des rares dessins animés que j'aime bien) est plutôt très fidèle au conte, Rupert Sanders et ses scénaristes ont modifié quelque peu le déroulement de l'histoire ou l'agencement des personnages. Cela conduit à une histoire plus mature. Je veux dire par là que le scénario mélange allègrement des aspects très réalistes avec des aspects nettement fantastiques. Autre façon de le dire, le film place l'histoire dans un contexte beaucoup plus précis et concret que le conte qui reste très flou : l'invasion du royaume par une puissance sombre et maléfique, la misère du peuple qui en découle, le pays en sommeil malgré la volonté de résistance ou de vengeance pour retrouver le royaume tel qu'il était, etc …
Ceci crédibilise l'histoire et les personnages en leur donnant de l'épaisseur et permet au spectateur d'avaler plus facilement les aspects fantastiques de certains personnages qui deviennent des symboles de la Résistance comme les deux oiseaux, le cheval blanc, le troll, la tortue, les nains, le cerf, … qui ne demandaient qu'à s'éveiller.
Il en est de même des motivations des deux femmes, Ravenna, la marâtre et Blanche-Neige. Ce n'est pas tant la beauté qui préoccupe Ravenna, c'est une quête sans fin pour le pouvoir absolu. Et ce n'est pas simplement la fuite qu'entreprend Blanche-Neige, mais c'est bel et bien la lente prise de conscience d'une haine pour la reine usurpatrice et d'un désir de vengeance pour la mort de son père. On pourrait même parler d'un chemin initiatique où l'innocente Blanche-Neige du départ se transforme afin de reprendre le pouvoir en tant qu'héritière légitime.
Même si ça n'a rien à voir, je trouve que la construction du film emprunte beaucoup aux aventures de Tolkien dans "le Seigneur des anneaux". Et quand Blanche-Neige prend la tête de l'armée pour attaquer les usurpateurs, on a carrément affaire à Jeanne d'Arc.
De même, j'ai bien aimé la mise en scène et les décors. Une ambiance globalement sombre avec de somptueuses éclaircies. L'idée que la nature (la forêt) peut être une alliée ou une ennemie, c'est-à-dire un personnage à part entière m'a bien plu.
Je ne connais pratiquement pas les acteurs mais ils m'ont paru être à leur place et faire le job. Charline Theron dans le rôle de la marâtre dévoile peu à peu ses faiblesses tandis que Kristen Stewart dans le rôle de Blanche-Neige montre sa force grandissante. Chris Hemsworth dans le rôle du chasseur (et protecteur de Blanche-Neige) m'a irrésistiblement fait penser à Han Solo en plus bougon et brut de fonderie avec un fond romantique, ce qui me l'a rendu plutôt sympathique …
Pour conclure, j'ai trouvé que le film revisitait intelligemment le conte de Grimm en lui apportant une plus grande portée politique (quel vilain mot) et en mettant plus d'épaisseur sur les personnages. La fin reste "open" et abandonne délibérément le champ du conte puisqu'on ne parlera ni d'un beau mariage, ni des nombreux enfants qui en découlent obligatoirement.