Un film plus malin qu’il n’y paraît : subtil et gore à la fois !
Je ne vois pas très bien qui pourrait ressortir indemne de cette expérience cinématographique tant elle nous interpelle par sa rudesse et sa violence aussi bien morale que physique, à la limite du soutenable.
Jang Cheaol-Soo nous livre là une vision sombre de la société moderne et rurale représentée ici par la capitale de la Corée et une île isolée, chacun ayant son penchant féminin Hae-won, une jolie citadine et son amie d’enfance Bok-nam à qui elle rendra visite en prenant des congés forcés.
La première est la représentation parfaite de la jeune trentenaire célibataire, délicate, hautaine, dynamique et ambitieuse qui ne s’intéresse à personne d’autres exceptée à elle même. Dans une société ou règne le confort et la sécurité elle prend le partie de fermer les yeux sur les malheurs des autres et ne fait pas grand cas de son prochain, surtout s’ils sont dans une situation de détresse, cela en fait un personnage antipathique et détestable dont la beauté ne fait que renforcer la laideur de son âme.
La seconde, Bok-nam, est une fille de la terre, simple, joyeuse, qui travaille dure, et qui ne rechigne pas à faire toutes les taches des champs et de la maison, elle est mariée et à un enfant. Pourtant on découvrira qu’elle subit les brimades permanents de son marie et des femmes du village, elle n’est rien d’autre qu’une esclave dont la vie n’a que peu d’importance, contrairement à son amie on éprouve pour elle de la tendresse et de la pitié.
Le paradoxe veut que ce soit la fille qui a le destin le plus tragique qui aborde un sourire avenant et sincère à la moindre occasion, toujours prête à rendre service à son amie d’enfance pour qui elle voue une sorte d’admiration sans borne, reflet de la fascination que suscite les grandes villes lumières sur les petits villages, et qui incarne un espoir fou : quitter l’Ile. La citadine quant à elle affiche un visage sévère et un comportement hautain devant le spectacle de cette île repliée sur elle même et sur son amie d’enfance, incapable de prendre sa vie en main.
Cette différence de caractère, de destin, de classe sociale est assez subtilement incarnée par la différence de couleur de peau qu’il y à entre la citadine et la paysanne, la première a une magnifique peau clair et lisse aussi blanc que du lait, symbole de beauté et de richesse dans l’Asie toute entière, tandis que la seconde à la peau rugueuse et burinée par le soleil et le travail aux champs, symbole de pauvreté et de « laideur », cette distinction à son importance dans un pays où la compétition exacerbée porte aussi bien sur le CV que sur la beauté physique.
Toutefois ces deux mondes ont un léger point commun : le portrait de deux femmes qui quelle que soit leur monde d’origine sont malheureuses et seules, comme si leur destin n’avait qu’une seule issue, tombée à terre sous les coups de la vie comme le montre ce magnifique fondu à la fin du film.
On se retrouve donc devant un film dure et violent dont le jeu de l’actrice, Young-hee Seo, est incroyable même si il peut sembler parfois surjoué, et qui se termine par un petit carnage rédempteur au goût de jugement dernier comme on les aime, un tout relatif happy-ending pointe même le bout de son nez, après tout il y à peut être de l’espoir pour le genre humain…