"Blood Island" est l'inexplicable titre anglais que l'on a collé sur le film en France, alors que le titre américain était "Bedevilled" et le titre coréen : "L'histoire complète de l'affaire du meurtre de Kim Bok-nam". Thriller horrifique à base de violence conjugale et d'outils de jardinage, ce n'est pas un exactement un film familial à mettre entre toutes les mains, puisqu'on y assistera à diverses sortes d'abus, viols, harcèlement sous toutes ses formes, violence physique et psychologique sans distinction d'âge.
Et si le film n'est pas aussi bourrin et graphique qu'un Dream Home ou The Sadness, on sent bien que le réalisateur n'est pas là pour broder de la dentelle fine, et va vous montrer tout ce que vous ne vouliez pas voir, sans voyeurisme excessif, mais sans fermer les yeux. Vous voilà prévenus.
Sans entrer dans les détails (voir spoilers plus bas), Bedevilled exécute une recette connue avec une maîtrise indéniable. Que ce soit sa mise en scène, sa direction photo ou ses acteurs, il est formellement irréprochable, mais manque un peu de panache, ou de moments vraiment uniques, car si vous avez vu des films du genre, on est en terrain connu, et le dernier acte peine à surprendre.
La mise en place, en revanche, est exemplaire, et réserve son petit lot de surprises avec un duo d'héroïnes que l'on suivra en alternant les points de vue, tantôt acteur, tantôt spectateur extérieur. Seo Yeong-hie est absolument phénoménale dans tous les registres où il lui est donné d'exprimer son talent. Elle incarne ici un personnage tourmenté, aux multiples facettes, et toujours sur le fil. C'est un rôle particulièrement complexe qu'elle habite avec une fragilité touchante, et sa présence à l'écran écrase un peu la seconde tête d'affiche.
Le film pose ses enjeux avec une lenteur glaçante, en nous faisant découvrir peu à peu ce petit écosystème tordu et pourri de l'intérieur. À peine dix personnages, trois vieilles baraques et un rebord de falaise, c'est tout ce qu'il faut pour installer ce huis clos et nous faire deviner entre les lignes les décennies de drame, d'abus, d'indifférence malsaine et de résignation qui ont mené à la situation sclérosée que l'on découvre sur l'île.
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[SPOILER]
Le principe du film de vengeance n'a pas trop changé au fil des années. Un personnage s'en prend plein la poire pendant la première moitié du film, et on attend de voir à quel moment la pression sera suffisamment forte pour déclencher le point de bascule. Plus les antagonistes ont été détestables, plus on prendra plaisir à les voir payer, de préférence de la manière la plus cruelle et inventive possible, parce qu'on veut qu'ils sentent bien le poids de leurs pêchers avant de passer l'arme à gauche.
Le contrat est rempli ici. On déteste presque immédiatement tous les personnages masculins, puis le groupe de vieilles peaux qui les couve et cautionne leurs exactions à l'encontre de Bok-nam, trainée plus bas que terre. Et plus le film avance, plus on a de raison de les haïr. On guette les signes de la bascule tant attendue, qui se fait attendre encore... plus de violence, plus d'abus, plus d'impunité et d'indifférence des témoins.
Malheureusement, quiconque est familier de la formule sait pertinemment comment ça se termine, et le film m'a rarement surpris. C'est bien exécuté, mais je n'y ai pas vu grand-chose que je n'avais déjà vu dans d'autres films de vengeance. C'est bien la seule chose que je peux lui reprocher, mais ça suffit à me le rendre dispensable malgré toutes ses qualités.