Inspiré de l'album éponyme de Tom Waits, et plus particulièrement du morceau Blue Valentines (sans oublier le « s »), ce long nous propose de naviguer parmi les fantômes d'une mémoire au goût de baiser chardonneux.
Porté par une Michelle Williams fabuleuse et qui plus est nominée aux Oscars 2011, c'est tout un programme mélancolique qui nous est offert.
A travers une galerie d'instants volés, passés ou présents, Blue Valentine raconte l'histoire d'un amour que l'on pensait avoir trouvé, et qui pourtant s'échappe... Dean (Ryan Gosling) et Cindy (Michelle Williams) se remémorent les bons moments de leur histoire et se donnent encore une chance, le temps d'une nuit, pour sauver leur mariage vacillant.

Blue Valentine c'est le film que tout le monde attendait. Enfin non, pas tout le monde, seulement ceux qui en ont marre de voir des comédies sentimentales où l'on verse (ou pas) une larme à la fin parce que les deux principaux protagonistes s'embrassent, vivent longtemps et ont beaucoup d'enfants.
Blue Valentine porte bien son nom, le bleu étant le symbole du froid, et il aurait été dur de trouver meilleur titre, la température qui baisse et la flamme qui s'éteint étant le centre névralgique de l'oeuvre.
Le réalisateur (et co-scénariste), Derek Cianfrance, nous sert une histoire comme il s'en passe beaucoup, mais que l'on préfère garder loin des écrans pour conserver une vision idyllique de l'amour. Le cadre est sale, les personnages sont sales, bien qu'ils ne soient pas dénués d'un certain charme, les situations sont toutes plus sales les unes que les autres; que ça soit Cindy qui va aux toilettes expulser le sperme après un coït, la séance d'avortement — amplement détaillée —, ou encore la nuit sordide dans la chambre d'hôtel, où tout ce qui rapproche nos « tourtereaux » est l'ingestion sans limite d'eau de feu. Des situations sales, mais qui arrivent, tout comme déféquer, mais que l'on évite de projeter sur les écrans afin d'observer une certaine rigueur et ainsi ne pas frustrer ou choquer le cinéphile occasionnel.
L'alchimie entre Michelle Williams et Ryan Gosling est superbe, gardant une efficacité constante, que ça soit lors des premiers instants heureux, pleins d'espoirs et de projets, jusqu'à ce que s'installe la lassitude du quotidien et le début d'une indifférence qui frise une certaine haine. La haine d'être rejeté, la rage de perdre pied, le désespoir de ne rien pouvoir y faire, et de ne plus avoir de cet amour que des souvenirs d'étudiant.

Bref, Blue Valentine est à la fois l'une des plus belles histoires d'amour de ces dix dernières années, mais aussi l'un des drames des plus poignant et démoralisant que l'on ait également pu voir durant cette même période, la déchirure étant d'autant plus émouvante car constamment contrebalancée par les flashbacks des beaux jours. Peu de productions atteignent son niveau, et hormis Chasing Amy qui laissait sur ce sentiment de malaise en fin de récit (bien que le pitch soit différent), le registre dans lequel baigne l'oeuvre restait malheureusement un océan de vide.
Qu'on ne s'y trompe pas, on ne suit pas pour autant un épisode de Confessions Intimes, ici sordide ne rime pas avec pathétique, et l'oeuvre ne nous donne jamais de raisons quant au pourquoi du comment. Dean n'a rien à se reprocher, et Cindy non plus, c'est simplement que les sentiments ont disparu, l'usure a eu raison de ces deux cupidons, et tout comme Dean on a envie de crier, mais tout ce qu'il nous reste ce sont nos yeux pour pleurer, chose que nombreux ne pourront s'empêcher de faire à l'arrivée du générique de fin.
Il sera évidemment impossible de passer à côté de la bande-originale, superbe, et entièrement composée par Grizzly Bear, le groupe de folk rock über-hipster né à Brooklyn, de la même façon qu'on ne pourra pas louper la photographie intelligente signée Andrij Parekh, remarqué aux Independent Spirit Awards pour son travail sur Ames en stock.
Pour conclure, même si le sentiment final pourra être paradoxal, ça sera une véritable bouffée d'air pur pour les amateurs du genre qui semblaient suffoquer sous les quintaux d'oeuvres mièvres et sans finalité. Ceux qui à l'inverse ne peuvent pas supporter de suivre une histoire plombante de par son côté acerbe et cynique auront tout aussi bien à faire que de se rabattre sur un énième navet plein de bons sentiments façon Sex Friends.
Mention spéciale pour Michelle Williams, discrète depuis ses débuts, avant de se faire progressivement remarquer, que ça soit dans Le secret de Brokeback Mountain ou I'm Not There, et qui brille ici à un tel point que contrairement à Natalie Portman qui s'est catapultée dans un océan dans conneries (hormis Thor) depuis sa victoire aux Oscars avec Black Swan, elle a enchainé les productions de haut niveau, dont notamment Shutter Island, La dernière Piste, Take This Waltz, ou encore My Week with Marilyn, attendu avec beaucoup d'impatience. Godspeed !
SlashersHouse
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le 12 juin 2011

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SlashersHouse

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