"J'vais lui montrer qui c’est Rahul". Michel Audiard

Rahul, subvenant aux besoins de sa famille depuis la mort de son père, présente sa nouvelle conquête à sa mère et à sa grand-mère.
Hélas elle n’est pas d’origine indienne, mais d’ailleurs peu importe, puisque partie tourner une pub à Hollywood, elle décède d’une mauvaise chute due à une lévitation mal contrôlée.
Comme si ça ne suffisait pas, la mère de Rahul lui ordonne de se trouver une femme rapidement sous peine d’annuler le mariage de sa sœur Twinky, avec son Bobby adoré.
Que faire ? Ecouter les conseils de son père décédé qui communique avec lui par le biais d’un portrait animé ou encore flottant en costume blanc dans la pièce ?
Rahul, déprimé, se rend donc dans un bar et rencontre Sue, une call-girl, qu’il engage afin de la faire passer pour sa fiancée. Mais qui est donc réellement Sue ? Quel terrible secret cache-t-elle ?


Un scénario naïf, épais comme une feuille de papier à cigarette donc, et, hélas, laborieusement miné par un jeu d’acteur inégal. On passe du bon (Dina Pathak, décédée peu après le tournage, le remord peut-être ?) au plus que mauvais (Kulbhushan Kharbanda manifestement ivre dans toutes ses scènes).


Faut-il en rire ou en pleurer ? Les deux sans doute, mais certainement pas aux moments ou la réalisatrice Deepa Mehta l’aurait voulu.


Dommage venant de la part de quelqu’un qui avait tourné deux films phares du cinéma indien avec « Fire » (1996) et « Earth » (1998), films adultes et politiquement très engagés, en compagnie de son actrice fétiche, Nandita Das, jurée du festival de Cannes 2005.


L’une des seules qualités de cette oeuvre réside dans la photo.
En effet, l’image est très (trop ?) propre, et les couleurs chaudes, mises en exergue par de quasi exclusives scènes d’intérieurs et/ou nocturnes créent une ambiance ô combien romantique…….mais le film étant préalablement handicapé par toute une batterie de casseroles, cela ne fait que souligner davantage la direction prise par toute cette pathétique entreprise, c'est-à-dire droit dans le mur.


En l’absence de Shah Rukh Khan, retenu pour affaires, on y trouvera donc le garçon-coiffeur de service (Rahul Khanna), puis un gros catcheur indien faisant un posing en dessous lycra, un majordome travesti à ses heures perdues, une mère passant les trois quarts de ses dialogues à pleurer des larmes de crocodiles et à se moucher, une inconnue faisant inopinément son apparition à trois reprises au cours du film pour déclarer, un verre à la main : « Quelle bande de ratés !» (pourquoi ? comment ? ne me posez surtout pas la question….) ou bien encore un mécano cinéphile et alcoolo débitant des dialogues issus de quelques obscurs productions pendjabi….
Parlons-en, d’ailleurs, de ces dialogues d’anthologie, à graver au fer rouge dans la grande encyclopédie du nanar. En voici quelques perles, histoire de vous mettre l’eau à la bouche :



  • Va te faire cuire un œuf !
    Qu’est-ce qu’elle a dit ?

    Elle veut qu’il aille se faire cuire un œuf
    Pas jusqu’à New Delhi non ?
    A New Delhi ?
    C’est le festival de la poule...
    Est-ce que c’est moi ou tout le monde est devenu fou ?


ou encore :



  • Je vous signale qu’on ne m’appelle pas « Killer » pour rien, je mange douze œufs crus, vingt patates et je bois un litre de lait au petit déjeuner à moi tout seul. Vous voulez voir mes muscles ? Bientôt, très bientôt, vous verrez tous mes muscles, même celui qui est caché.
    Pour ce qui est de votre muscle caché, je suis sure qu’il n’est pas plus gros que votre petite cervelle, sale dinosaure !


Plus aucun doute n’est-ce-pas ? Nous avons ici un bel exemple de naufrage cinématographique. Est-ce parce que ce film, malgré sa réalisatrice et ses acteurs indiens, est en réalité une production canadienne destinée à faire découvrir le cinéma indien aux molles masses nord américaines ? Je préfère le croire et détourner pudiquement les yeux en faisant semblant d’ignorer que cet ovni à fait 1,4 millions de dollars au box-office canadien et raflé un « Génie Award » (l’équivalent des césars) pour le meilleur scénario original, les canadiens n’étant, comme chacun sait, jamais les derniers pour la déconne.


Clin d’œil cinématographique ou mauvaise mise en scène ? Toujours est-il que dans la majeure partie des scènes d’intérieurs, vous constaterez que tout au fond, derrière les personnages, la télévision est allumée en permanence, diffusant ce qui sembleraient être de grands classiques de l’âge de pierre du cinéma indien. Et ceci même lors du dernier soupir paternel pendant le prologue…


Au niveau de la bande-son, c’est un vrai fiasco. Cinq mauvais play-backs sont disséminés tout au long du film, et dispensent une sorte de glue hindi avec danseurs permanentés sous Biactol surgissant de nulle-part et à l’improviste. Car en effet, même si nous sommes censés être à Toronto, on respecte tout de même les traditions.
Nous sommes donc en présence d’un film de commande et d’une conversion au dieu dollar de la part d’une réalisatrice qui aurait pu nous offrir bien mieux. Mais, après tout, ce parcours n’a-t-il pas déjà été balisé par John Woo ou encore Lee Tamahori ?


L’unique bonne configuration pour voir ce film est d’être en groupe avec de l’alcool et surtout en français, pour préserver l’effet comique. Si ces conditions sont respectées, vous pourrez, éventuellement, vous en payer une bonne tranche.

Tequila
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le 27 mars 2022

Critique lue 32 fois

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