Border
6.5
Border

Film de Ali Abbasi (2018)

Tina bosse à la douane portuaire de Kapellskär - ne vous étonnez pas que je connaisse l'endroit j'ai vérifié sur Wikipedia juste avant histoire de faire le mec calé. Physiquement on va dire que c'est compliqué pour elle, la nature n'ayant pas accordé à la jeune femme des formes aussi généreuses que celle qui charpente son immense bonté, bref c'est un mélange entre Guy Roux et Val Kilmer sous cortisone.


Mais Tina n'est pas que ce physique faisant passer Anne Roumanoff au saut du lit pour Gal Gadot dans une robe de soirée Dior, non car elle bénéficie d'aptitudes exceptionnelles. Elle a le pouvoir de sentir la culpabilité, la honte, le stupre chez les gens qu'elle croise. Du coup elle fait du chiffre aux barrages dressés sur le port du bled que j'ai cité plus haut.


Elle poisse le plus souvent des ados qui font le plein de picrate au Danemark. Un jour elle coince un pédophile qui transportait des vidéos sur son portable, ce qui ne manque pas d'impressionner quelques huiles du commico. Du fait de ses aptitudes au dessus du flic suédois de base, elle est invitée à participer à une enquête sordide dans les milieux pédophiles suédois. A côté de cela, elle cherche à découvrir ses origines parce qu'elle se dit que c'est pas possible d'avoir une dentition de phacochère après 12 ans d'appareil dentaire.


Un jour, elle rencontre un autre gars comme elle, avec la tronche en biais, qui mange des asticots comme d'autres mangent des Curly. Et ce Vore, c'est son nom, va lui faire des révélations du tonnerre.


J'apprécie souvent les films réalistes dans lesquels on a planté des éléments fantastiques ou surnaturels. Border aurait donc du me transporter, mais pour une raison mal définie cela n'a pas été le cas. Le film d'Ali Abbasi n'est pas sans qualités. L'interprétation, les effets spéciaux, l'ambiance, et le brassage de nombreux thèmes différents assez courageux entre le fantastique, le policier, le conte et la chronique socioculturelle. Car le nom Border (frontière) n'est pas du au hasard. Et la figure de "monstre" aux yeux des suédois peut s'apprécier comme une métaphore de l'étranger, celui qui a des traits différents et une façon de voir le monde toute autre.


Si Tina est pleinement intégrée à la société malgré sa tête de figurante dans Troll 2, Vore est un marginal qui veut faire le plus de mal possible aux humains par pure haine. Les trolls ont en effet été persécutés et internés par les hommes. A ce titre, le réalisateur Iranien veut certainement montrer le ressentiment que peuvent éprouver des populations qui se considèrent victimes d'une autre ("un jour ils vont nous le payer"). C'est pas le prequel de World of Warcraft mais pas loin. Si rechercher la destruction semble justifié aux yeux de Vore, Tina refuse de faire du mal à qui que ce soit. Quand bien même les vieux la regardent bizarrement au supermarché.


Peut-être que ce qui rend le film anecdotique est justement ce trop plein de questions et ce paradoxal immobilisme. Les nombreuses scènes de communion entre la nature et Tina sont d'ailleurs un brin redondantes. Tout comme l'enquête policière assez artificielle qui met plus mal à l'aise qu'autre chose. Le film ne repose finalement que sur le personnage de Tina, et le cadre autour est souvent bien léger.


Bref difficile d'être aussi ému que devant Freaks ou Elephant man, d'autres récits d'âmes sensibles coincées dans des enveloppes charnelles cabossées.


On doit au moins à Border la scène de sexe la plus bizarre de l'année.

Negreanu
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le 16 août 2019

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