À l'image de son héros, le film n’a pas d’âme.

Initialement publié sur http://cinematogrill.fr/boule-bill-2/


Pour être honnête, Boule & Bill 2 est aussi original que son titre le laisse supposer. On suit sans plaisir les insignifiantes péripéties parfois correctes, souvent lourdes, d’une famille parfaite entre une image d'Épinal et la séquence d’overdose de Dujardin dans 99 francs où il tombe dans une pub Kinder. Il y a des gros plans sur des chiens pour les amoureux des animaux et des gros plans sur les enfants pour les… bref, le tout autour d’un fil rouge laborieux pour tenir 85 minutes. C’est aussi coloré que ses acteurs cabotinent et ça fera probablement marrer ton petit cousin de 8 ans, surtout s’il est bourré.


Mais j’ai pas envie d’être honnête, attention chronique 100% spoiler.


Impec, donc Boule & Bill 2 est le dernier ressac de la vague le petit Nicolas de 2009 qui avait fait 2 millions d’entrées, entrainant dans la foulée les adaptations l’élève Ducobu, les profs, Boule & Bill enfin et tout ce que les ayants droit de la BD franco-belge de papa ayant plus besoin d’argent que d’amour-propre pouvaient fourguer. Un ressac avec la force d’une demi-molle honteuse et peu convaincue, du genre à pousser un dimanche matin devant une redifusion de la cuisine de Maïté, draguant une eau sale remplie d’algues, de déchets plastique, pourquoi pas d’une mouette crevée.


Déjà on sent pas une implication maximale dans le projet, tout le monde s’est tiré malgré le succès du premier film (1,5 million d’entrées, la vache) pour ne laisser que Dubosc, Manu Payet (la voix de Bill) et le cocker remettre le couvert. La réalisation est confiée à Pascal Bourdiaux, derrière Fiston aussi avec Dubosc. Willard m’a dit que c’était bien et je le crois sur parole, principalement parceque j’ai aucune envie de vérifier. Vu que le bonhomme a sorti la comédie d’action Mes Trésors cette année aussi, il a dû diriger Boule & Bill 2 avec la passion du cameraman de la pub merchurochrome. Encore que la réal est, pour sortir une expression bateau, honnête. Rien ne choque particulièrement, c’est propret et à propos pour cadrer cette vision idyllique de la France de nos grands-parents, tellement non-progressiste qu’elle ferait passer Bigard pour un social justice warrior.


Le scénariste, Benjamin Guedj, c’est une autre paire de manches. Un des auteurs ayant commis le film Cyprien, il peine à aligner des séquences lourdingues pendant 50 minutes pour developper un sketch un poil plus écrit dans la dernière demi-heure afin d’achever de conclure le film. Tout est naïf au possible, on dirait que des gags de la BD ont été transposé tel quel sans se soucier de savoir si ça marchait ou non, et encore moins de savoir si c’est drôle pour être lié par des transitions probablement écrites par des pigistes pour Carambar en mal d’heures supplémentaires. Toutefois, dur de parler d’avalanche de gags quand ils sont distillés avec la munificence d’un open bar en plein désert d’Atacama. Chaque début de quelque chose est étiré pendant 5 minutes jusqu’au point de rupture : ce qui est vaguement drôle devient prévisible, ce qui est prévisible s’étale, ce qui s’étale devient gonflant puis on remet le couvert la scène suivante. Le qualificatif d’avalanche ne vaut que si l’on prend en compte l’aspect catastrophe naturelle et souffrance humaine d’un accident en haute montagne, pour la quantité mieux vaut parler de petite poudreuse de gags.


Ceci posé, le film s’ouvre sur une sorte de Draw My Life où une main anonyme tenant un stylo noir apparait toujours dans la même position façon images subliminales pour donner l’illusion de dessiner différentes planches (en couleur) de Boule & Bill, soutenu par la voix de Manu Payet qui nous ,rappelle a quel point le premier film était cool, que le bonheur est un état de satisfaction complète de toutes nos inclinations, de complétion des désirs, caractérisé par sa plénitude et sa stabilité et que Boule & Bill c’est le bien. Perso, j’ai toujours vu ça l’équivalent BD de l’adaptation de Snoopy par les compagnons de la chanson et ma came c’était Gotlib ou Calvin et Hobbes mais passons.


Transition travaillée (la seule du film) où on se rend compte que ces dessins sont en fait ceux de Dubosc, auteur de Boule & Bill racontant donc les aventures de son fils et de son chien et qu’il les présente à son éditrice. N’ayant pas vu le premier film, j’ai été agréablement surpris par cette bascule dans l’autofiction où un personnage de l’adaptation devient lui-même l’auteur de l’œuvre adaptée, fort heureusement l’éditrice, modestement nommée Diane Dufossoir se met à énumérer dans un surjeu complet les synonymes du mot caca, une façon comme une autre d’annoncer la couleur du film. Ouf, ça a failli être bien.


Dufossoir nous fait donc une séquence Le diable s’habille en Celio et ordonne a Dubosc, tout en lui disant que ses BD se vendent bien, de passer à un style plus dark pour le salon du livre qui a lieu deux mois plus tard. Personnellement, j’ai cru qu’elle le pourrissait parceque présenter des agrandis taille A4 des cases d’anciennes BD et pas de nouvelles planches ça ressemble a du foutage de gueules mais non. Notre joyeux auteur a donc 2 mois pour changer de style et créer un nouvel album, ce qui revient à quelque chose près à remporter Koh-Lanta alors qu’à la base on passait au JT de France 3 lors d’un reportage sur la pèche aux moules dans la Côte d’Opale. Non, un auteur comme Jean Roba, le créateur de Boule & Bill, publiait chaque semaine une ou deux planches dans un hebdomadaire, en l’occurrence Spirou, afin de s’assurer un revenu régulier et n’avait pas un editeur adepte des chatiments corporels qui lui demandait entre le café et la séance de bondage un album complet sous peine de licenciement immédiat. Fuck les comédies familiales qui ne présentent pas la réalité économique concrète de l’édition franco-belge !


Après cette grande scène didactique sur la relation patron employé afin d’expliquer à nos chères tête blonde qu’être un créatif implique une soumission absolue à une employeuse infantile probablement en train de corriger un autre employé récalcitrant avec une cravache et l’intégrale reliée de Lucky Luke en hors champs, on retrouve Boule en train de faire de la planche à roulette tracté par Bill pour rejoindre son pote Pouf. Dans cette ville où les parents détestent profondement leurs gosses pour leur donner des noms comme ça, encore que dans le cas de Boule ça s’explique par le fait que la petite tête rousse n’est certainement pas leur fils biologique, plus un problème de facteur de la poste que de facteur génétique. Enfin, soit ils font très bien semblant, soit il y a une fuite du MDMA dans la réserve d’eau de la bourgade vu les sourires crispés qu’affichent tous les écoliers. Tous sauf un irréductible nouveau venue, le petit Wilfried, qui se distingue des autres punching ball en devenir (les gamins) par le fait qu’il conduit une moto (à 10 ans, bat les steaks, son père est flic en plus), qu’il veut ken la fille qui intéresse Boule et qu’il invite ses camarades de classe à aller jouer dans sa cave avec la collection d’armes de guerre de papounet. J’avoue, à ce moment j’ai levé une paupière dans l’espoir d’entendre un bout du requiem de Verdi mais non.


Au même moment ou presque, Bill rejoint ses compagnons canins. Une des rares séquences du film où les protagonistes ne sont pas dans le surjeu complet. Reste le traitement étrange du son, mal spatialisé, qui donne l’impression que les animaux parlent par télépathie.


Puisque la frustration sexuelle est la première source de violence, il y a qu’à voir l’ambiance à une sortie de boîte avec un ratio d’une femelle pour dix mâles, et que le petit Boule, rappelons-le, n’a pas d’âme, il rentre dans sa maison Polly pocket en fomentant le plan de butter le petit Wilfried. Élément perturbateur de son quotidien passé à lire les BD de ses propres aventures. Paye ton ego gamin.


Pareil pour Dubosc bien décidé à remettre en cause toute sa carrière artistique après cinq minutes de discussion tournant autour du caca et commence à reprocher à sa famille qu’ils sont trop heureux et qu’il n’arrive donc pas à être créatif. Ceci étant LE théme du film, le papa de Boule va tout faire pour être misérable afin de pouvoir écrire et décide donc d’euthanasier Bill de faire chier sa famille avec des tactiques héritées d’une anthologie des blagues de Toto. Le tout dans une direction artistique assurée par Playmobil et la bibliothèque audio d’une émission type caméra cachée pour accompagner la moindre action des personnages. Des pouet, barf et autres tzoink afin de donner au public cible la satisfaction de l’aboutissement d’une logique hédoniste conduisant à cette appétence de distractions simples sur des sujets policé, ou les prendre pour des cons. Au choix.


Papa Dubosc - littéralement appelé le Papa de Bill – abandonne donc la Maman de Bill, Mathilde Seigner, et sa robe assortie aux rideaux pour aller « créer » dans la cabane du jardin en bouffant des poubelles (littéralement, j’affabule pas). Laissant Boule avec sa génitrice qui semble passer son quotidien entre réunions tupperware et rail de xanax. S’ensuivent un tas de péripétie dont je suis sûr qu’elles sont pompées d’un numéro de « Je lis déjà » durant lesquelles Boule tente de tuer Pouf, salement en plus, pour les beaux yeux de la jeune Stéphanie (ouais, elle a un nom), et où Bill se prend lors d’une promenade au parc une repartie du chien des voisins depuis interdite par le tribunal de la Haye :


« - Relaxe, pète un coup.
- La loi c'est la loi, et je pète si je veux. »


Autant dire que j’étais saucé.


Revenons à Dubosc, il y a bien un repas avec son éditrice dont le déroulé semble tout droit tiré d’un mauvais De Funès avec cette ambiance de bucolisme urbain un brin facho entre Tati et les rêves humides d’une militante Sarkoziste qui utilise gauchiasse et merdia dans le même tweet. Le personnage de Dufossoir étant, indiscutablement et malgré la compétition élevée, le plus mal foutu du film. Le petit problème est que le comportement du père qui cherche à détruire sa famille par conviction artistique, seul embryon de squelette de scénario de Boule & Bill 2, repose entièrement sur l’hystérie mal dirigée formant les actions de ce personnage foutoir de lignes de dialogues mal branlées. A ce propos papounet continue son inexorable descente dans l’anarchie modérée en poussant Bill à pisser sur les rosiers, oralisant ça par un fatal « Allez Bill, on sort son zizi et on fait pipi sur les rosiers à papa ». J’ai fait un gif et un haïku pour exprimer mon désarroi.


A l’ombre d’un rosier,
Le ver s’agite sans raison,
Achevez moi merde.


Dubosc poursuit ces conneries en improvisant un petit 50 shades of Mathilde Seigner à travers la séquence d’exhibitionnisme la plus habillée du monde, premier pas vers ses multiples tentatives de suicide lors du final. Là encore j’aimerais rigoler mais non.


On citera aussi le dialogue de Maman de Boule et Boule sur l’ironie, que le rouquemoute conclu par « l’ironie ça pue des pieds ». J’espère sincèrement que cette réplique est une saillie d’un hypothétique troisième degré de lecture du film et que tous ceux qui ont bossé sur ce film de près comme de loin avaient conscience de faire un boulot honteux mais lucratif dans un cynisme consommé, ça m’encourage d’autant plus à massacrer ce naufrage de l’humour.


On pourrait aussi citer la punchline de Pouf « L’amour rend aveugle de la bouche ». Merci Pouf, je regrette que Boule n’ait pas eu la force de t’achever trois scènes avant.


Tout ça pour arriver à la dernière partie amorcée par Dubosc qui sabote volontairement les rédactions de Boule. Probablement parce que c’est pas son fils biologique et que, vu ce que le petit Boule avale comme connerie même pour un gamin de 10 ans, c’est un peu mort pour la fac, voir le brevet des collèges, voir pour gagner au puissance 4 contre un animal mort. Mathilde Seigner décide alors de se suicider à la gaufre chantilly.


Ok, on va développer : Maman de Bill dans un éclair de lucidité, essaye de sortir de ce purgatoire de la comédie en s’arrangeant pour se prendre une gaufre dans la tête, ce qui est modérément rigolo, avant de se propulser dans l’escalier pour s’ouvrir le crâne, ce qui n'est pas drôle du tout avant de se prendre un râteau dans le jardin et s’achever à la bouche d’égout ouverte. La séquence supposément drôle de ses yeux qui se désynchronise après des traumas crâniens multiples étant parfaitement dérangeante.


On inspire. Une fois la maman hospitalisée, Dubosc part monter un Fight Club.


Je déconne pas, il va voir son voisin pour se battre, comme ça. « C’est seulement quand on a tout perdu qu’on est libre de faire tout ce qu’on veut. » disait Tyler Durden, « regarde je suis un babouin » sort Dubosc mais l’idée est là. Il se fait arrêter par la police.


Reste Boule qui décide d’aller se faire le petit Wilfried. Avec Pouf et Bill, ils vont soudoyer un chat puis s’allier aux chiens télépathes pour faire un casse dans la maison du voisin flic fasciste afin de piller sa collection d’armes de la seconde guerre mondiale pour repartir avec une grenade.


Je déconne pas quand je dis que je déconne pas, dans Boule & Bill 2 de Pascal Bourdiaux, Boule veut commettre un meurtre avec prémeditation. La seule chose qui va le retenir, c’est qu’il va tomber en remontant de la cave sur une carte que le petit Wilfried a écrite pour sa maman qui est au ciel, probablement morte en nettoyant les flingues du père. Pendant ce temps là, Pouf se fait chier dessus par un moineau. Boule est pris de remords, se disant que ça serait dommage de détruire la vie d’une famille monoparentale quand tuer un gamin avec ses deux parents provoquerait une souffrance morale supérieure. Enfoiré de blond vénitien.


Pour une raison qui m’échappe puisqu’il a abandonné son plan, il décide de sortir avec la grenade en main pile au moment où le voisin et son fils arrivent. S’ensuit la course-poursuite de Boule & Bill 2 fast 2 furious puis la grenade attérrit, me demandez pas comment j’ai pas tout compris, dans la chambre de Boule, faisant exploser sa maison.


Ainsi on a le papa et la maman de Boule qui arrivent, avec le voisin et son fils et leurs chiens dans le jardin quand s’élève la voix de l’éditrice coincée dans la cuisine de la famille, la jambe pétée.


POURQUOI est-ce que Dufossoir est dans la cuisine ? Pourquoi a t’elle la jambe cassée après que la grenade ait explosé la chambre de Boule et à quel niveau de battage de couille en arrive-t-on à placer une résolution comme ça ? Tant de questions à ranger entre les raisons de l’édification de Stonehege et la carrière des one direction. On pousse le vice à ce que Dubosc demande à l’éditrice ce qu’elle fait chez lui, suite à quoi elle répond « on s’en fout non ». Je dois bien admettre que j’aurais répondu pareil pour peu que le générique ne soit pas retardé plus longtemps.


Ainsi les ennemis coopèrent pour sauver l’éditrice, « Elle a perdu connaissance, mettez-la dans la brouette » et le voisin facho vole la vedette aux chiens en prenant à son compte le fait de lui avoir léché le visage pour la réveiller afin de la séduire. Boule, alors que sa maison menace de s’écrouler, demande au petit Wilfried si sa mère morte lui manque puis confie à Bill « On va encore faire sauter une Grenade, mais cette fois-ci c'est la Grenade de l'amour ». C’est beau, je chiale en PLS.


Dernière scène (enfin, ENFIN !!!) où tout le monde se retrouve autour d’un barbecue dans la maison miraculeusement intacte. Boule parle de l’épisode de la grenade à Stephanie qui trouve ça mignon, Stephanie va donc être salement dans la merde avant sa majorité si elle commence comme ça. Boule explique que c’est son père qui a porté le chapeau pour tout, sachant que ça n’explique rien puisqu’un flic a été témoin du vol de la grenade par Boule et que ce n’est pas légal de faire sauter son pavillon à coup d’explosif quel que soit son âge. Passons, on voit la lumière.


L’éditrice arrive, maintenant amoureuse du voisin, elle affirme que les BD joyeuses du papa de Boule sont très bien. Comme quoi se faire ramoner la …. Trouver le bonheur, ça change les gens.


Avec pour fond sonore un baiser qui fait le bruit d’un ballon de baudruche qu’on dégonfle, Boule s’approche de son copain qui a perdu sa mère et lui sort la morale du film comme on retourne un couteau dans une plaie : "toute cette histoire m'a appris qu'avoir des parents, c'est pas facile".


Enflure.

Cinématogrill
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le 12 avr. 2017

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Cinématogrill

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