Le retour aux origines de la filmographie des désormais Wacho sisters a quelque chose d’amusant et de prophétique : c’est en effet un couple de femme qui occupe le haut de l’affiche de leur premier film, petit thriller saphique un brin cruel et hautement alambiqué.


La sophistication du premier plan, illisible avant qu’un zoom arrière nous en donne l’angle de lecture (à savoir une penderie prise en contre plongée), est en soi un programme : les cinéastes sont bouillonnants et ont déjà, en dépit de la simplicité de leur pitch, envie d’en découdre sur le plan formel.
Bound est une banale histoire de braquage et d’escroquerie où les femmes prendraient leur revanche sur la brutalité virile. Empruntant au code du film noir, le récit prend à bras le corps les lieux communs du genre, de la vamp au gros bras, de la mallette pleine – ou non – de biftons au jeu de poker menteur. Les comédiennes sont vénéneuses et surmaquillées, poussant à fond le cliché dans lequel on leur demande de s’illustrer, l’une laquée d’un maquillage révélateur de sa duplicité, l’autre souillée d’un cambouis de la parfaite gouine à marcel. On s’amusera surtout de voir à quel point leur plan savamment ourdi rendra les mâles dominants hystériques, une fois n’est pas coutume…


Si le programme narratif plan prévu / complication improvisée suit une trame des plus convenues et se dirige vers un dénouement hautement improbable au vu de son accumulation de twists, on saura faire preuve d’indulgence. On sent très vite que ce n’est là qu’une préoccupation secondaire des metteurs en scène. C’est l’adéquation entre forme et fond qui leur importe : l’unité de temps, une nuit blanche sous haute tension, associée à cette belle idée de l’unité de lieu scindée par un mur mitoyen aussi salvateur que fatal, génère quelques belles séquences.


Mais cette volonté formaliste s’encombre aussi du superfétatoire : filmer le démarrage d’un pick-up depuis son pot d’échappement procède d’une logique qui, justement, échappe un peu au spectateur. De la même façon, faire suivre un coup de téléphone en parcourant le fil depuis la prise, et en allant jusqu’à reproduire avec la caméra la boucle que celui-ci fait au sol est du plus mauvais effet : cette introduction cartoonesque, si elle a son sens dans Speed Racer par exemple est ici à la fois gratuite et inappropriée au vu du registre choisi.


Petite gourmandise un peu surfaite, Bound est sympathique sans être indispensable. Mais à bien y réfléchir, et face aux boursouflures récentes de Cloud Atlas ou Jupiter Ascending, on lui reconnait le mérite de ne pas trop se prendre au sérieux.

Sergent_Pepper
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le 12 sept. 2016

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