Break-up, érotisme et ballons rouges est une œuvre exhalant une absurdité amère. De par son triste protagoniste, elle dresse une critique acérée de la société de consommation et sur les têtes qui en profitent, têtes qui – à leurs dépens – éclateront inéluctablement tels des ballons de baudruches.


Le générique d'introduction présente dans un montage dynamique des photographies d'engrenages entrecoupés d'images de Mario Fuggetta : Le personnage interprété par Marcello Mastroianni fait parti intégrante de ce mécanisme. Mario est le parfait archétype de l'industriel vénal et outrageant. Il est lubrique, toujours prêt à regarder sous les jupes des filles, même celles des mineures. Sa lubricité est égale à son penchant maniaque de l'ordre, possédant alors un appartement vierge de toute crasse et un frigo où sont rangés méticuleusement des pommes. La séquence avec le Coca Cola viendra davantage appuyer son libéralisme et ses manies, cette boisson étant le symbole du capitalisme et de l'américanisation de la société, et les nombreux bouchons servant à fermer la bouteille soulignant l'ordre excessif de Mario. Sa monomanie arrivera à son apogée au contact du caoutchouc des ballons de baudruches. Cette passion, digne d'une lubie étrange d'un nanti, deviendra rapidement obsessionnelle. Mario souhaite savoir combien d'air peut s'accumuler dans un ballon. Cette question le tourmente. En effet, lorsqu'il gonfle un ballon, il ne veut pas que l'espace à l'intérieur de celui-ci ne soit pas utilisé à 100% sous peine de se sentir comme un perdant. En tant qu'entrepreneur, il souhaite tirer au maximum de ce qu'il a entre les mains, le fructifier jusqu'à ce qu'il y en ait plus. L'air immatériel, le latex opaque et imprévisible, Mario ne peut aucunement savoir jusqu'à quand il pourra continuer de souffler. Il mettra un terme à sa vie rongé par la question sans réponse qui l'aura tué. Dans son suicide, il parsèmera dans la rue – à celui dont il a cassé la voiture, à son ami antiquaire et même à son chien – tout ses mauvais penchants, marquant ainsi un monde rongé de l'intérieur par son égoïsme et sa quête de profit.


L'idée fixe de Mario sur cette histoire de ballon va devenir une obsession maladive. Les plaisirs charnels et alimentaires vont totalement le désintéresser. L'érotisme latent entre les ballons et les femmes sera malgré tout perceptible tout le long du film. En effet, les deux sont inlassablement liés dans les plans, tournant parfois autour d'un Mario lunatique. Les états d’âme de ce dernier se refléteront sur le médium lui-même. Le long métrage débute tel un roman photo. Lorsque Mario entre en contact pour la première fois avec un ballon, l'objet filmique s'actionne en noir et blanc. Ce n'est que lorsqu'il entrera dans le club que la pellicule se colorisera. En passant dans un tunnel à la manière d'Alice, il entre dans un pays merveilleux fait d'une quantité inimaginable de ballon. Mario est au comble de la satisfaction. Cependant, l'objet de son désir se trouvant partout, il en fera une overdose et en ressortira avec la frustration de ne pas avoir répondu à sa question. En sortant du club, la pellicule redevient bicolore, soulignant ainsi que plus le film se rapproche de la réalité/de la vie, plus Mario est comblé. A l'image des passants qui se goinfrent à l'épicerie, il couvre son chagrin par l'accumulation de ballon. Alors qu'il tentera de se ressaisir auprès de sa femme et de la nourriture, il replongera de nouveau dans son obsession, entendant encore les sirènes du club et la roue hypnotique s'y trouvant tournant toujours dans son esprit. Après un très gros plan sur ses yeux « drogués », il finira par se suicider pour mettre un terme à sa tourmente.


Le souffle de la vie gonfle le ballon mortuaire jusqu'à ce qu'il éclate. Dominée par une question existentielle, Mario Fuggetta se vide les poumons de tout son air dans des morceaux de latex. Ce qu'il y perd va au-delà de son souffle, il y perdra son essence vitale.

Flave
7
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le 28 janv. 2022

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