Le film de David Lean commence sur un adieu. L’histoire est la suivante: une femme et un homme ordinaires se rencontrent sur le quai d’une gare et vont vivre une brève histoire d’amour adultère. Il me semble que le film échoue cependant à nous faire croire à la passion et à l’intensité de cet amour impossible. Pourtant, les grands et beaux sentiments ne sont pas l’apanage des « grands » personnages et dans le jeu des acteurs, dans la mise-en-scène comme au montage, on s’attache visiblement à rendre cette passion crédible (fumée, cloche du train, cadre de travers, gros plans cherchent à faire écho aux sentiments qui agitent les protagonistes). La forme du film reste assez classique pour un spectateur d’aujourd’hui (il y a des attendus comme le travelling avant sur le visage de Laura lorsque Alec se met à parler de son travail et que le premier sentiment d’amour prend naissance dans le coeur de cette femme au demeurant sans histoires). Il y a, quand même, quelques belles idées comme le moment où Laura rejoue dans sa tête la scène d’un baiser volé dans le couloir qu’empruntent les deux amants sous les voies ferroviaires pour passer sur l’autre quai. Laura apparaît dans un fauteuil en bas à droite de l’image et le reste de la scène du baiser s’efface en fondu pour laisser apparaître le salon du couple Jesson. La scène d’ouverture (qui est en fait la fin du film, Laura et Alec étant sur le point de se dire au revoir) est rejouée à la fin mais, cette fois-ci, du point de vue interne de Laura dont le spectateur a entendu la confession tout le film durant. Le drame qui se joue (des adieux bâclés) est pris en charge par le montage : des regards échangés, une main qui se pose sur l’épaule et qui, dans un geste, résume la déchirure de ces adieux informulés. La voix-off de Laura, omniprésente, donne à l’histoire un aspect un peu mécanique. Souvent, sa présence ne fait qu’énoncer ce que l’image dit déjà, nous laissant, nous, spectateurs, passif et à distance de la relation en train de se tisser progressivement entre les personnages. De cet adultère ne restera qu’un ou deux baisers, des mots tendres et passionnés, le remord, les scrupules et la culpabilité ternissant bien vite le bonheur né de cette brève rencontre.

Ga_bri_elle
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le 7 mars 2021

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